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France : la colère sociale a nourri la victoire du RN aux élections européennes selon un spécialiste

Xinhua | 30.05.2019 08h32

La liste de l'extrême droite française aux élections européennes a été un débouché naturel des colères et rancœurs exprimées par une partie des "gilets jaunes", a déclaré mercredi à Xinhua, Eddy Fougier, politologue et chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Ce spécialiste analyse dans cette interview les "surprises et confirmations" nées de ces élections remportées dimanche dernier par le Rassemblement national (RN).

La victoire de l'extrême droite aux élections européennes, en dépit des critiques, des divisions internes et des affaires judiciaires, est une confirmation de son caractère "quasi inoxydable" selon Eddy Fougier.

Le chercheur fait d'ailleurs un lien entre cette victoire et la crise sociale sur fond de mobilisation des "gilets jaunes", qui a eu, selon lui, un impact sur le résultat des élections européennes.

"Beaucoup de Français ont voulu voter contre Macron lors de ce scrutin. Et le meilleur moyen d'exprimer sa colère contre Macron est de voter pour le parti qui peut battre la liste de la majorité présidentielle", a-t-il expliqué.

L'extrême droite est ainsi devenue un débouché naturel pour les colères exprimées par une partie des "gilets jaunes", même si les "gilets jaunes" n'étaient pas nécessairement nationalistes, a commenté M. Fougier. Le politologue renvoie à cet effet à une enquête Ipsos qui indique que le RN a été le grand bénéficiaire politique du mouvement des "gilets jaunes".

D'après cette enquête, 38% des personnes interrogées qui se disent proches des gilets jaunes et 44% de celles qui s'en disent très proches ont opté pour la liste RN. "Cette colère sociale a nourri la victoire du RN", a dit le chercheur.

L'autre enseignement qu'apportent ces élections est la confirmation de la configuration politique née de la présidentielle de 2017. Car comme à la présidentielle, le RN et le LREM (majorité présidentielle) sont arrivés en tête aux européennes, avec des résultats qui ont assez peu évolué.

Selon M. Fougier, la nouveauté par rapport à l'élection présidentielle, c'est l'effondrement des scores de la droite (-11,5 points) et de LFI (-13 points). "Il y a donc cette confirmation de la rupture qui s'est produite en 2017, et avec une poursuite de l'effondrement des partis traditionnels le PS, LR et même la gauche radicale, LFI", a-t-il affirmé.

Par contre le chercheur ne pense pas à une fin des clivages Droite/Gauche qui a longtemps marqué la vie politique française. "Je crois qu'il est encore tôt de parler de la fin des clivages d'autant que la surprise de cette élection est la réémergence d'un courant fort du côté des écologistes. Et on voit bien dans les déclarations de Yannick Jadot, leader EEL, qu'il veut restructurer la gauche", a-t-il expliqué.

Sur les raisons de cette percée du parti écologiste à ces élections, M. Fougier rappelle qu'il s'agit d'un phénomène assez répandu en Europe. Par exemple, en Allemagne, les écologistes sont arrivés devant les socio-démocrates, en Irlande ils ont fait des scores importants.

Au total les partis écologistes auront près de 70 députés au Parlement européen, a rappelé le chercheur, qui explique dans la foulée la percée des écologistes en France par une véritable prise de conscience de la gravité des enjeux environnementaux.

"Il y a l'émotion suscitée par la démission de Nicolas Hulot qui a déclenché un mouvement de citoyens, comme la pétition lancée par des ONG pour traduire l'Etat en justice, parce qu'il ne respecte pas ses engagements sur le climat", a indiqué M. Fougier.

A cela s'ajoute, une prise de conscience assez forte, notamment chez les jeunes qui ont décidé d'agir face à la menace du changement climatique, en votant pour le parti qui porte la question écologiste, d'où ce score très élevé des écologistes, a expliqué le politologue.

Cette montée de l'écologie en France pourrait, selon lui, faire évoluer la politique du gouvernement sur l'environnement afin de rassurer l'électorat EELV plutôt que les Français qui ont voté pour le RN.

Il ne faudra cependant pas s'attendre à de grands changements. Certainement pas de changement de Premier ministre, mais sans doute des évolutions sur la protection de l'environnement, a dit le chercheur.

Selon M. Fougier, le gouvernement ne changera pas de politique pour répondre à la victoire du RN et va interpréter l'échec des listes des "gilets jaunes" aux élections européennes comme la fin de ce mouvement.

(Rédacteurs :Xiao Xiao, Yishuang Liu)
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