Dernière mise à jour à 10h49 le 11/12
De nombreux Français sont une nouvelle fois descendus dans la rue mardi pour une seconde journée de manifestations nationales contre le projet de réforme des retraites alors que la grève déclenchée le 5 décembre dernier continue de perturber le pays. Promesse de campagne du Président français Emmanuel Macron, cette réforme dont l'intégralité doit être dévoilée ce mercredi cristallise le mécontentement et les angoisses d'une large partie de la population.
Après la très forte mobilisation jeudi dernier, de nombreux manifestants ont défilé mardi à la veille des annonces du Premier ministre Edouard Philippe sur l'épineuse question de la réforme des retraites.
Malgré un recul du nombre de manifestants (339 000 personnes selon les autorités, 885 000 selon les syndicats), le contexte reste tout autant explosif dans un pays secoué depuis une année par le mouvement des "gilets jaunes" et une multiplication de fronts sociaux (avocats, policiers, personnel hospitalier, secteur des transports...).
Après les scènes de cohue observées sur les quais du métro parisien et du RER, les transports publics ont à nouveau été fortement perturbés mardi, surtout à Paris et en Ile-de-France. La SNCF, où 24,7% du personnel (77,3% des conducteurs) a cessé le travail, a conseillé aux voyageurs d'annuler ou de reporter leurs déplacements.
Dans les écoles, les collèges et les lycées, 16,01% des enseignants étaient en grève selon le ministère de l'Education nationale.
Sept des huit raffineries françaises étaient également en grève mardi.
Les syndicats de policiers ont par ailleurs appelé à se rassembler ce mercredi au siège du Conseil économique, social et environnemental avant les annonces d'Edouard Philippe.
Ce n'est pas seulement la réforme des retraites qui est visée. Elle agit davantage comme un catalyseur des colères qui se sont accumulées contre le gouvernement depuis le début du quinquennat. La réforme cristallise en effet les angoisses de nombreux Français qui craignent d'en faire les frais. Le dossier touche potentiellement les 16 millions de retraités français, et en conséquence leur famille et les générations suivantes, dans un climat social de plus en plus délétère.
Selon les dernières enquêtes d'opinion, une majorité de Français disent continuer de soutenir le mouvement de grève. Tout en déclarant leur acceptation de changements indispensables, ils se déclarent opposés à cette réforme des retraites dont le contour reste peu lisible à leurs yeux.
Jusqu'ici le gouvernement n'est manifestement pas parvenu à faire passer un message clair et précis quant au sens et aux modalités précises de la réforme. Le discours que va prononcer Edouard Philippe ce mercredi est donc capital.
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, le "régime universel" de retraite veut faire basculer le système français de retraite vers un système par point, et supprimer les régimes spéciaux.
Les syndicats accusent le gouvernement de chercher à "casser" le système par répartition pour introduire la retraite par capitalisation via la généralisation d'assurances privées. L'allongement de la durée de cotisation et le flou sur la valeur et la pérennité du futur point de retraite sont au cœur des débats.
Le système actuel de retraite français fonctionne comme une assurance collective. Les travailleurs et les employeurs financent les caisses de retraite en s'acquittant de cotisations prélevées sur leurs revenus. Ces sommes servent ensuite à payer les pensions de retraite. La durée d'activité (calculée par trimestre), le niveau de revenus et toute une série de facteurs sont pris en compte dans le calcul de la pension d'un retraité.
Il existe aujourd'hui 42 caisses de retraite en France. Le régime général des salariés du privé est le plus courant : plus de 80 % des retraités en bénéficient. Les autres (notamment ceux de la Fonction publique) relèvent des régimes dits "spéciaux". L'âge légal de départ à la retraite est fixé à 62 ans. Pour bénéficier d'une pension à taux plein (50 % du salaire annuel de référence), il faut avoir cotisé suffisamment longtemps selon un taux qui varie selon les générations.
En 2018, le système de retraite français était déficitaire de 2,9 milliards d'euros, soit environ 0,1 % du produit intérieur brut (PIB), selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).
Les partisans de la réforme mettent en avant la question de l'équilibre budgétaire et la nécessité de simplifier le régime actuel, ainsi que la possibilité de choisir la date de son départ à la retraite tandis que les opposants dénoncent le risque du "travail sans fin".
Le décalage de l'entrée en vigueur de la réforme et des périodes de transition pour les régimes spéciaux, la revalorisation des carrières de la fonction publique, notamment des enseignants qui craignent que leurs pensions ne baissent, l'absence de mesures budgétaires immédiates, les modalités de conversion des droits acquis en points figurent parmi les possibles concessions du gouvernement.
Le président Macron, qui, jusqu'ici, est resté discret sur le sujet, joue très gros sur ce dossier. A travers cette bataille des retraites, c'est sa crédibilité de réformateur qui sera jugée.
En 1995, trois semaines de grèves de transports avaient contraint le président Chirac à renoncer à une grande partie de sa réforme des retraites.