Dernière mise à jour à 08h29 le 11/04
A la nuit tombée, des Africains qui se sont activés toute la journée pour faire marcher leur commerce se réunissent dans la rue Baohanzhijie, au coeur de la "ville chocolat" à Guangzhou, dans le sud de la Chine, pour profiter des "heures africaines".
Avec les petits magasins où l'on vend des produits visant le marché africain, les costumes traditionnels, les cafétérias et les restaurants de style africain, le français ou l'anglais, ou les langues autochtones que l'on entend dans la rue... on pourrait se croire en Afrique, alors que l'on est dans le centre-ville de Guangzhou.
Cependant, dans cette "rue des Africains", les gens n'agissent pas comme ils le feraient en Afrique. Ils sont plutôt prudents et indifférents. Ils préfèrent garder une certaine distance avec les inconnus. Quand on montre un appareil photo ou un téléphone, ils partent ou tournent le dos rapidement.
L'ORIGINE DE LA "VILLE CHOCOLAT"
Guangzhou est la capitale de la province chinoise du Guangdong. Région pilote de l'ouverture et de la réforme de la Chine depuis 1978, le Guangdong a connu un développement rapide et a été considéré pendant longtemps comme "l'usine du monde" où l'on fabriquait tous les produits de première nécessité. Au cours des vingt dernières années, la fabrication chinoise a gagné en popularité auprès des clients à travers le monde, y compris en Afrique.
Depuis les années 1990, des commerçants africains de plus en plus nombreux sont venus à Guangzhou pour poursuivre leur rêve de fortune. Certains ont réussi à créer leurs sociétés ou bureaux de représentation dans la ville. Ils exportent des produits chinois vers le marché africain ou travaillent comme intermédiaires entre des commerçants africains et des usines chinoises.
La "rue des Africains" se trouve dans le village urbain de Dengfeng. Depuis les années 1980, des Ouïgours du nord-ouest du pays ont commencé à s'y installer. En raison de la même croyance religieuse, les commerçants des pays musulmans africains se sont réunis progressivement autour de Dengfeng et ont formé leur "royaume".
Dans la "ville chocolat", dont les limites géographiques ne sont pas précises, des dizaines de milliers d'Africains vivent comme habitants locaux. Pendant un certain temps, les crimes, comme le trafic de drogue, commis par des Africains, ont été en augmentation et ont assombri l'image de la communauté africaine toute entière.
Depuis 2014, les autorités locales ont renforcé la lutte contre les crimes et les sans-papiers, causant le déplacement de nombreux Africains de ce quartier vers les régions voisines.
UNE COMMUNAUTE QUI SE SENT MARGINALISEE
Guangzhou est l'une des premières villes qui a ouvert ses portes au reste du monde, en accueillant des personnes venues des quatre coins du monde et en fournissant des opportunités. Cependant, l'intégration sociale de la communauté africaine reste difficile.
Malgré l'existence de l'amitié de longue date entre la Chine et l'Afrique, des malentendus ou même des conflits en raison des cultures et coutumes différentes subsistent à Guangzhou.
"Je prends une douche chaque jour, mais certains Chinois se bouchent le nez quand ils passent près de moi, ça me rend triste", s'est plaint un commerçant sénégalais. Néanmoins, il s'est rendu compte plus tard que c'était à cause du parfum fort peu apprécié par les Chinois.
"La plupart des Africains à Guangzhou sont des commerçants. Ils viennent ici juste pour le commerce. Ils agissent donc de manière prudente pour éviter tout incident" a déclaré Li Dong, un photographe chinois qui suit la communauté africaine depuis des années.
Le contrôle des visas et des passeports par la police chinoise a rendu cette communauté plus nerveuse. Selon Zhu Jianwen, un responsable du bureau de police de Dengfeng, cette mesure a permis d'enregistrer peu de sans-papiers dans le quartier et de constater une forte baisse du taux de criminalité parmi les Africains.
Selon lui, Dengfeng est un lieu compliqué et le risque de terrorisme existe toujours. Pour maintenir la paix dans ce quartier, le contrôle des papiers est nécessaire. "C'est juste pour les protéger", a-t-il indiqué.
RESPECT, SERVICES, INTEGRATION ET HARMONIE
En durcissant la lutte contre les crimes, les autorités locales ont amélioré les services destinés aux étrangers, pour qu'ils s'intègrent mieux dans la société.
Selon le règlement du gouvernement du Guangdong, les quartiers dans lesquels le nombre d'étrangers dépasse les 200 doivent créer un centre de services pour faciliter leur vie et leur intégration.
Dans le centre de services de Dengfengjie, des Africains viennent pour se renseigner sur tout les aspects de la vie et de leur travail à Guangzhou, tels que l'explication de la politique et les informations liées à l'hôpital. "C'est une bonne chose pour nous. Si nous avons des questions et des difficultés, ils nous aident à les résoudre", a indiqué Sylla Diallo, un Guinéen vivant sur place.
En outre, de plus en plus de volontaires sont venus pour aider les Africains. Dans ce centre, deux travailleurs sociaux capables de parler l'anglais et le français donnent des cours de chinois. L'entrée est gratuite pour tous les étrangers.
Le gouvernement a fixé les principes suivants pour le travail de tous ces centres: respect, services, intégration et harmonie.
"La Chine n'est pas encore un pays d'immigration, donc, le peuple n'est pas encore bien préparé psychologiquement à voir une arrivée massive d'immigrants", a expliqué Li Dong, le photographe.
Bien que les Africains ne constituent pas la plus grande communauté étrangère à Guangzhou, loin derrière les Japonais et les Coréens, ils donnent une impression d'omniprésence aux habitants locaux en raison de leur couleur de peau.
"L'ouverture de la Chine se poursuivra, et il y aura plus d'étrangers qui viendront pour vivre et travailler dans le pays", a précisé M. Li.
"Les Africains à Guangzhou sont comme un miroir par lequel nous pouvons observer comment les Chinois se sont intégrés à l'étranger il y a des années. La vie n'est pas facile pour tout le monde", a poursuivi Li Dong.
"Les Africains sont venus et le peuple et le gouvernement chinois ne les ont pas refusés . Par la suite, ce que nous devons faire, c'est de les intégrer dans notre société pour qu'ils vivent harmonieusement avec nous", a poursuivi Li Dong.