Dernière mise à jour à 10h22 le 14/04
A notre époque de débats sans fin et de faits alternatifs, nous pensions au moins que cette question était réglée depuis longtemps. Tout le monde, de Ferdinand Magellan aux astronautes d'Apollo, a fourni la preuve que notre monde, aussi désordonné puisse-t-il être, est rond. Et surtout pas plat, comme certains l'ont cru et affirmé pendant des siècles. Cependant, au plus haut niveau du milieu universitaire tunisien, une doctorante a rouvert la question. Depuis 2011, cette aspirante doctorante à la Faculté des sciences de l'Université de Sfax travaille sur une thèse en géologie intitulée : « Modèle plate-géocentrique (sic) de la terre, arguments et impact sur les études climato/paléoclimatiques ». Face au tollé, l'Université de Sfax et le Ministère tunisien de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ont annoncé qu'ils rejetaient définitivement la thèse en question, mais la polémique est là.
Bref, la thèse de la doctorante était que la Terre était plate. Elle a fait de grands efforts pour réfuter les théories de grands noms comme Newton, Kepler et Einstein, dont le travail avait apparemment des failles sérieuses que d'autres n'ont pas réussi à voir au cours des derniers siècles... jusqu'à elle. Elle avait mis en avant une nouvelle vision de la cinétique qui, à la place, est conforme aux versets du Coran. Elle a été citée dans le magazine en langue française Jeune Afrique comme ayant écrit que « toutes les données et les arguments physiques et religieux ont permis de démontrer la position centrale, la fixation et l'aplatissement de la surface de la Terre, la révolution du Soleil et de la Lune autour d'elle ». Elle a ensuite soutenu que « les étoiles ... ont trois rôles : être des paysages dans le ciel, lapider les démons et servir de signes pour guider les créatures dans l'obscurité de la Terre ».
Ses preuves sont sans doute meilleures que celles de l'ancienne superstar de la NBA et actuel commentateur de télévision Shaquille O'Neal, qui avait exprimé ses propres observations astronomiques plus tôt cette année, disant « Quand je suis dans mon avion, que nous nous préparons à atterrir, que j'ouvre la fenêtre, et que je regarde toutes les terres que nous survolons, la Terre semble être plate ». Mais tout au moins, lorsqu'on l'a critiqué, « Shaq » a admis qu'il plaisantait. Le professeur qui supervise la thèse de l'élève a quant à lui rétorqué : « C'est juste un brouillon ». Le problème est qu'elle n'est pas la seule à soutenir cette hypothèse absurde : les médias sociaux ne manquent pas de pseudo-experts scientifiques affirmant que la Terre est plate, notamment la société Flat Earth sur Facebook, qui soutient ces personnes consacrant leur temps à la littérature « platiste », des livres souvent oubliés par la plupart des institutions universitaires. Cette page Facebook compte plus de 60 000 followers.
Mais en Tunisie, le spectacle d'une étudiante diplômée qui a rouvert le problème a provoqué un véritable remue-méninge. Les critiques disent que les théories de cette jeune femme sont un embarras pour le système éducatif tunisien. « Comment un tel travail pourrait-il être accepté au doctorat depuis 2011 ? », a déclaré à Jeune Afrique le professeur Faouzia Charfi de l'Université de Tunis. « Comment pouvons-nous accepter que l'Université n'est pas l'espace de la connaissance, de la rigueur scientifique, mais celle de la négation de la science ? Que la science est refusée parce qu'elle n'est pas conforme à l'islam ? ». Pour la petite histoire, un autre indice qui a fait dire à ses professeurs que ce travail était problématique, ce sont les erreurs grammaticales et syntaxiques qui surgissent çà et là tout au long du document, et qui nuisent plus encore à sa crédibilité. Parce que, quoi qu'il en soit, pour ceux qui se consacrent à la science ou à la foi, tous peuvent s'entendre sur un fait : le devoir sacré d'utiliser la vérification orthographique, ou un dictionnaire...