Dernière mise à jour à 14h45 le 15/04
Appliquant une promesse de campagne, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a adopté jeudi une loi légalisant l'utilisation récréative de la marijuana au Canada. Beaucoup de pays ont dépénalisé la consommation de la marijuana, autorisant sa prescription médicale ou arrêtant effectivement d'appliquer des lois réprimant son usage. Mais lorsque le projet de loi de Justin Trudeau sera entré en vigueur comme prévu, le Canada ne deviendra que la deuxième nation, après l'Uruguay, à légaliser complètement la marijuana comme produit de consommation. « L'interdiction légale n'a pas réussi à protéger nos enfants et nos collectivités », a déclaré Bill Blair, législateur et ancien chef de la police de Toronto, que le Premier ministre a nommé pour gérer la loi.
M. Blair a déclaré lors d'une conférence de presse que le gouvernement espérait commencer à autoriser les ventes légales d'ici le milieu de 2018. Mais si le plan du gouvernement a été largement façonné par un panel d'experts, il reste encore beaucoup de problèmes à résoudre. « Nous acceptons le fait qu'un travail important reste à faire », a-t-il concédé. Car si le gouvernement fédéral autorisera et réglementera les producteurs, chacune des provinces du Canada devra décider exactement comment le produit sera distribué et vendu sur son propre territoire. Le gouvernement devra aussi développer les équivalents pour la marijuana des alcootests afin que les conducteurs puissent faire l'objet de contrôles au bord de la route et que les employés puissent être soumis à des tests de sécurité au travail. Les diplomates devront quant à eux s'attaquer aux conflits avec les traités internationaux en matière de drogue. Et beaucoup de personnes dans le domaine de la santé sont préoccupés par les effets à long terme sur la santé de l'utilisation accrue de la marijuana par les Canadiens de moins de 25 ans.
Aux Etats-Unis, bien que huit États aient légalisé la marijuana à divers degrés, le produit reste encore illégal en vertu de la loi fédérale. La décision de Justin Trudeau élimine en revanche toute ambiguïté au Canada. Elle fait suite à une légalisation de la marijuana par décision judiciaire à des fins médicales, qui a été introduite avec des contrôles rigoureux en 1999 et ensuite élargie par d'autres ordonnances judiciaires. Mais si la nouvelle législation amènera le Canada à aller au-delà de son système de cannabis médical, il sera pour autant loin de créer un marché ouvert. La loi exigera que les acheteurs aient au moins 18 ans -bien que les provinces puissent fixer un minimum plus élevé- et elles limitent le montant qu'ils peuvent transporter en tout temps à 30 grammes. Les ménages auront aussi la possibilité de cultiver jusqu'à quatre plants de marijuana. Mais la législation semble basée sur l'hypothèse que la plupart des utilisateurs iront chercher leur herbe chez des producteurs commerciaux, qui seront sous licence et surveillés de près par le gouvernement fédéral.
Selon M. Blair et Ralph Goodale, Ministre de la sécurité publique, la culture, l'importation, l'exportation ou la vente de marijuana à l'extérieur des chaînes autorisées demeureront des crimes graves. Le prix de la marijuana et son niveau de taxation seront influencés par l'expérience du Canada en matière de tabac, qui est également très réglementé. Lorsque le pays a essayé de décourager le tabagisme en augmentant fortement les taxes sur les cigarettes, il a créé sans le vouloir un marché noir croissant pour les cigarettes passées en contrebande depuis les États-Unis et ailleurs. Étant donné que l'un des principaux objectifs du gouvernement avec la nouvelle loi est d'éliminer -ou du moins réduire- le commerce illicite de la marijuana, il voudra sans doute éviter les mesures qui stimulent sa croissance. On ne sait pas encore non plus où les utilisateurs pourront acheter leur herbe. Plusieurs provinces limitent les ventes d'alcool principalement aux magasins d'alcool gérés par le gouvernement, et un arrangement similaire pourrait être utilisé pour la marijuana. Mais une équipe de travail fédérale qui a publié ses conclusions à la fin de l'année dernière a néanmoins recommandé que la marijuana ne soit pas vendue dans les magasins qui vendent aussi de l'alcool.