Dernière mise à jour à 09h31 le 09/01
Les conséquences dévastatrices du non-respect de la thérapie traditionnelle salvatrice
« Toute fille née d'une mère Yansi, est l'épouse de son oncle maternel ». Telle est la loi du phénomène culturel et traditionnel dénommé « Kintwidi » en République Démocratique du Congo ».
Les Yansi sont des peuples des tribus de la RDC de l'ancienne province du Bandundu qui a été partagée depuis 2015 en trois provinces : Kwango, Kwilu et Mai Ndombe en vertu de la nouvelle constitution du pays. Ils utilisent également le Kituba, l'une des quatre langues nationale de la nation pour communiquer dans leurs dialectes respectifs.
Les Yansi pris comme mot, peut se diviser en deux. Il y a d'abord la racine ‘Yan' signifiant ‘la parole' et ensuite la particule adverbiale ‘Si' ou ‘Shi' qui elle, marque une insistance pouvant se traduire par l'expression française ‘sans doute'.
Ce peule est caractérisé par le respect de la parole dont le non-respect entraine de graves répercussions surnaturelles. La parole chez les Yansi bénit, et peut aussi maudire. Ainsi l'art de la parole est un domaine de vie que doit considérer tout Yansi digne de cette appartenance.
En effet les membres de la société Yansi ont pour obligation de suivre certaines logiques liées à l'univers traditionnel et spirituel dans lequel ils évoluent, qui est celle de donner à l'oncle maternel (le frère de la mère de la fille qui naît), à son oncle qui devient éventuellement son mari.
Un fait souvent caché et qui devient comme un secret à ne pas divulguer en raison de la honte et du mépris des autres communautés. C'est ainsi que les jeunes filles se trouvant dans cette situation en général n'avouent pas aux autres la réalité dans laquelle elles vivent.
Prenons l'exemple de ces deux couples que nous avons suivis et qui après le mariage ont souffert des effets de ce phénomène ravageur.
Le premier cas est celui de Silivi née d'une mère dont le mari était de la tribu des Yansi, et à sa naissance la tradition a voulu qu'elle appartienne à son oncle maternel Ngwe.
La logique voulait que Kwano qui devait épouser Silivi, doit verser la dot deux fois, d'abord aux parents tuteurs de Silivi, puis ensuite à l'oncle maternel de Silivi, le nommé Ngwe. C'est alors que cet oncle pouvait évoquer la fameuse formule libératrice « Oui, je te libère ma femme, tu peux te marier à cet homme ».
Il s'agit en fait d'un phénomène qui a sa thérapie culturelle et qui fonctionne très bien.
A l'âge de se marier, Silivi a caché à son mari Kwano le fait qu'elle était dans le cas de figure de ce phénomène et qu'il était obligatoire de suivre la thérapie salvatrice du double versement de la dot aussi bien aux parents qu'à l'oncle.
Silivi a par la suite connu plusieurs maladies chroniques souffrant notamment d'un manque total d'appétit et du goût pour la nourriture. Avec comme conséquence, un mal à l'estomac et une gastrite sévère. Ceci fut la conséquence de ce phénomène n'ayant pas obligé son mari Kwano à verser une double dot comme le veut la tradition.
En plus de 3 ans de mariage, elle a vécu des moments de tourment et de douleur intense du fait des maladies à répétition pressentant sa mort prochaine.
Lorsqu'elle est tombée enceinte, Silivi a connu des problèmes de santé pendant toute sa grossesse, mais a fini par mettre au monde des jumeaux mis sous couveuses car étant prématurés. Elle confiait à sa servante qui lui était dévouée que son cas est dur et qu'elle sentait sa fin proche.
Son manque d'appétit persistait. Un jour alors qu'elle se rendait à l'hôpital pour voir son médecin, ce dernier l'a vite fait conduire à la salle des soins intensifs, la trouvant très pâle et présentant des signes préliminaires de rechute irréversibles.
Au bout de 3 heures, après plusieurs arrêts cardiaques, la jeune femme est décédée. Son mari qui l'a appris plus tard a également été informé de la cause de sa mort, soit le phénomène « kintwidi ». N'ayant pas suivi la thérapie du double versement de la dot.
L'autre couple est également Yansi, avec Adolo, une jeune fille dont le père était Mbala, a connu pratiquement la même histoire que Silivi, mais là le mari Kotolokombo n'a pas remis une dot complète à l'oncle qui avait pourtant insisté par rapport aux produits demandés et disponibles sur le marché.
La conséquence était aussi la mort de la femme Mumbala dont le mari était d'une autre province de la RDC, celle de Tshopo dans l'est du pays.
Ces deux douloureux récits illustrent les effets négatifs de ce phénomène en cas de non-respect des rites pour éviter les catastrophes.
Le phénomène Kintwidi perdure et a fait des victimes chez les Yanzi. L'oncle n'est pas le seul mari de sa nièce, il peut aussi s'agir du grand-père ou d'une autre autorité familiale.
Cassien TRIBUNAL AUNGANE, en collaboration avec le Quotidien du Peuple en ligne