Le Tchad a décidé le 16 janvier d'envoyer ses troupes au Cameroun et au Nigeria pour les aider à combattre la secte islamiste Boko Haram, s'exposant ainsi à d'éventuelles représailles terroristes.
Mais son ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique, Abderahim Birémé Hamid, se veut rassurant et exhorte la population à coopérer avec les forces de défense et de sécurité.
"Toutes nos frontières avec le Cameroun et le Nigéria, même avec la Centrafrique et le Soudan, sont sécurisées. Il n'y a aucune crainte", a déclaré M. Birémé Hamid mardi dans une interview accordée à Xinhua.
"Avec notre engagement contre Boko Haram, nous n'excluons pas des représailles, mais nous sommes vigilants", a-t-il ajouté. Selon M. Birémé Hamid, toutes les dispositions ont été prises avant même que les troupes ne soient envoyées au Cameroun voisin pour lutter contre les islamistes.
"Nos services de défense et de sécurité travaillent 24h/24. Je ne peux pas rentrer dans les détails de notre dispositif, mais je puis vous assurer que nos services font du bon travail", a insisté le responsable gouvernemental tchadien.
Depuis plusieurs semaines, les services de renseignement et de sécurité tchadiens ont redoublé la vigilance sur la porte d'entrée du Cameroun. La route Maroua-Kousseri (la ville du nord Cameroun, séparée de N'Djaména, la capitale tchadienne, par un fleuve, ndlr) étant devenue impraticable à cause des attaques de Boko Haram, le trafic s'est détourné vers plus au sud, par les villes camerounaise de Yagoua et tchadienne de Bongor.
"Sur ce dernier axe, nous sommes très vigilants, contrôlons tout pour qu'il n'y ait pas de fuite", a rassuré M. Birémé Hamid.
Aux entrées nord et sud de la capitale tchadienne et à l' intérieur du pays, les barrières se sont multipliées.
"Il faut que la population nous comprenne. Ces barrières sécuritaires ont été remises de manière provisoire. Elles vont disparaître dès que les opérations seront terminées", a promis le ministre tchadien de l'Intérieur et de la Sécurité publique.
Sur le pont de Nguéli, qui relie N'Djaména à Kousseri, policiers et gendarmes tchadiens et camerounais contrôlent minutieusement les entrées et sorties. La circulation des motocyclettes y est interdite.
Dans les lieux publics, tels les écoles, marchés ou maisons de culte, la sécurité a été également renforcée, "de manière discrète ".
"Nous ne voulons pas créer une psychose en mettant des hommes en tenue devant les écoles ou les marchés de manière très visible", a affirmé le ministre de la Sécurité publique.
Dans les quartiers de N'Djaména et alentours, les fouilles et interpellations se poursuivent nuit et jour.
"Ces fouilles ne visent aucun groupe social, aucune communauté donnée. Tous ceux qui ont été arrêtés, ce sont des gens qui sont arrivés chez nous avec les exactions de Boko Haram et qui ne se sont pas présentés comme des refugiés", a expliqué Birémé Hamid.
Certaines de ces personnes interpellées, reconnues comme des refugiés, ont été remises à la disposition des humanitaires.
Ces fouilles ont permis de découvrir des "informations importantes", ajoute le responsable gouvernemental tchadien qui se refuse à toute précision.
Les exactions de la secte Boko Haram au nord-est du Nigéria, ont fait fuir ces dernières semaines, plus de 12.000 Nigérians qui se sont réfugié à Baga-Sola, au Tchad, dans des conditions précaires. Cette situation a bloqué les échanges commerciaux du Tchad avec les pays voisins, et plus particulièrement avec le Nigéria, asphyxiant du coup une économie déjà fragilisée par la conjoncture économique mondiale.
Le Tchad compte également des centaines de militaires démobilisés il y a trois ans et les écoles coraniques y pullulent. Mais, pour M. Birémé Hamid, tous ces éléments ne font pas pour autant de son pays un terreau fertile pour la secte islamiste, comme l'affirment certains médias étrangers.
"Rien de tout cela est vrai. Pour le moment, nous n'avons pas découvert de pareilles situations et je ne pense pas que les démobilisés qui sont tchadiens, qui ont lutté, à un moment de leur vie, pour ce pays, se mettent dans la tête de perturber la quiétude et la paix de leurs compatriotes", a-t-il martélé.
Concernant les écoles coraniques, le gouvernement tchadien assure que la situation est maîtrisée.
"J'ai entendu plusieurs fois cette chanson selon laquelle tout ce qui se crée comme +madrassa+ (école coranique, Ndlr), c'est une cellule dormante du terrorisme. Ce n'est pas du tout vrai. Moi, j' ai fait ma formation dans les écoles coraniques", a indiqué M. Birémé Hamid.
Il se félicite qu'au Tchad, tous les croyants ne sont pas extrémistes et pratiquent paisiblement leur religion.
Le ministre tchadien de l'Intérieur et de la Sécurité publique exhorte enfin la population à briser le verre de méfiance et à coopérer avec les forces de défense et de sécurité.
"Des numéros verts sont mis en service. Vous n'avez pas à décliner votre identité, vous pouvez nous dire simplement "à tel endroit j'ai des soupçons", les forces de l'ordre descendront sur le terrain. Cela va de la sécurité de tous", a-t-il expliqué.