Les autorités tchadiennes travaillent à une meilleure collaboration entre la population et les forces de sécurité intérieure pour venir à bout d'une insécurité qui prend de l'ampleur ces dernières années, surtout dans la capitale.
Le 16 janvier 2014, les députés tchadiens votent à l'unanimité une résolution autorisant le président Déby Itno à envoyer des troupes pour combattre aux côtés soldats camerounais et nigérians contre le groupe terroriste Boko Haram.
Le lendemain, des centaines de milliers de personnes marchent à travers tout le pays pour soutenir les forces de défense et de sécurité. En 2013, le Tchad avait déjà fait bloc derrière son armée pour aller combattre les djihadistes au nord-Mali.
Cette "union sacrée" contraste avec la méfiance qui caractérise les relations entre les populations civiles et les forces de sécurité intérieure (FSI) au Tchad: police, gendarmerie et garde nomade.
"La sécurité reste et demeure une préoccupation permanente des populations. Cette préoccupation est confirmée par le résultat de l'enquête d'opinion portant sur les perceptions et les attentes de la population en matière de sécurité et ses perceptions des forces de sécurité intérieure et de leur action", déclare Mahamat Mbodou Abdoulaye, secrétaire général adjoint du ministère tchadien de l' Intérieur et de la Sécurité publique.
Les résultats de cette enquête, réalisée en 2012 par le Programme d'appui à la réforme des forces de sécurité intérieure du Tchad (PAFSI) avec le concours de l'Institut national des statistiques économiques et démographiques (INSEED), révèlent que les populations accordent un faible crédit à l'offre de sécurité, une faible confiance aux éléments des forces de sécurité intérieure et ont, enfin, une faible connaissance des dispositifs de prise en compte des victimes d'infractions lorsqu'il s'agit d' actes commis par des "corps kaki".
Pour inverser la tendance, le gouvernement tchadien a lancé, mi- septembre 2014, deux projets qui visent à rétablir "la confiance entre les forces de sécurité intérieure et la population" et à " mieux connaître pour une autre meilleure collaboration dans le cadre du renforcement de la sécurité des personnes et des biens". Ces deux projets, appuyés par l'Union européenne, sont pilotés par deux ONG nationales et une autre internationale à travers plusieurs activités: sensibilisation; formation sur les droits de l'homme, la déontologie policière et la gestion locale de la sécurité; assistance juridique et accompagnement des victimes d' abus et de violences commis par des agents de forces de sécurité, etc.
"Ces projets marquent le point de départ d'une franche collaboration entre les forces de sécurité et la population", affirme le contrôleur général de police, Abdoulaye Moyalta Georges, qui coordonne le PAFSI. L'ancien directeur général de la Police nationale tchadienne reconnaît qu'il est en effet "justifié qu' aujourd'hui, la population perçoit les policiers comme des raquetteurs".
Le Tchad a connu, ces dernières décennies, de nombreux soubresauts sociopolitiques qui ont favorisé la circulation illicite des armes légères et de petit calibre et une recrudescence de la criminalité. Vendredi, six présumés trafiquants d'armes de guerre (pour la plupart des éléments de la garde nationale nomade) ont été présentés à la presse, avec une cinquantaine d'armes de guerre pris sur le stock de l'armée, ainsi que deux véhicules.
Cette insécurité, symbolisée par les braquages à main armée, prend sans cesse de l'ampleur et dépasse la capacité des forces de maintien de l'ordre, malgré les moyens humains et matériels déployés par les autorités nationales.
N'Djaména, la capitale tchadienne, enregistre chaque jour plusieurs cas d'assassinat crapuleux et de vol à main armée, surtout dans ses quartiers périphériques. Lorsqu'ils n'arrivent pas à intimider leurs cibles par un ou plusieurs coups de feu, les bandits tirent à bout portant sur leurs cibles pour emporter leurs motocyclettes ou véhicules à quatre roues.
"Les bandits n'ont pas peur de la police. La nuit, au lieu de faire des patrouilles dans les quartiers, certains policiers se cachent dans certains coins pour arrêter des motocyclistes et leur soutire 500, 1.000 ou 2.000 F CFA (1, 2 ou 4 USD, Ndlr)", déplore Mahamat Adam, habitant le quartier Chagoua, dans le VIIème arrondissement de N'Djaména.
"Ne comptez pas sur la police. Quand vous sortez de chez vous, il faut prier Dieu de ne pas vous mettre sur le chemin de ces malfrats. Car même si vous appelez une intervention d'urgence, la police viendra toujours trop tard", affirme Marcel Issa qui vit dans un quartier périphérique du IXème arrondissement.
A la police nationale, l'on se dit réceptif à toutes ces critiques. "Nous avons constaté que nos concitoyens se plaignent beaucoup, ces derniers temps, d'exactions", admet le commandant Paul Manga, porte-parole de la police tchadienne qui vient de mettre un numéro vert en service.
"Nous appelons tout un chacun à composer, à partir de son téléphone, le numéro vert pour informer la police qui sera à son service 24h/24", conclut-il.