Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, mis sous pression par ses principaux opposants qui menacent de le destituer avant 2016, a décidé vendredi dernier de déverrouiller son régime sans pourtant ouvrir toutes les vannes.
Acte 1 du dégèle politique orchestré par le numéro un gabonais : la réhabilitation de l'Union nationale (UN), un parti de l' opposition qui rassemble la majorité d'anciens compagnons d'Omar Bongo Ondimba qui ont retourné la veste au lendemain de la mort de celui-ci en juin 2009.
Ce parti, créé seulement en février 2010, était devenu la principale "machine de guerre" pour déboulonner du pouvoir le Parti démocratique gabonais (PDG, ancien parti unique qui dirige le Gabon depuis sa création le 12 mars 1968).
Zacharie Myboto, président du parti dont le slogan est "Un pour tous, tous pour un", a passé plus de 25 ans au pouvoir jouant des rôles de premier plan au gouvernement ou au sein de l'ancien parti unique.
Il a formé l'Union nationale avec André Mba Obame, ancien tout puissant ministre de l'Intérieur sous Omar Bongo et ancien ami inséparable d'Ali Bongo. Ce parti dit des apparatchiks du pouvoir (selon ses détracteurs) compte aussi deux anciens Premiers ministres et de nombreux hauts cadres de l'administration gabonaise.
Tous ces milliardaires ont mis en jeu des puissants moyens pour contester la légitimité d'Ali Bongo au pouvoir. André Mba Obame n' hésitait pas de proclamer qu'il est le véritable vainqueur de l' élection présidentielle de 2009 remportée par Ali Bongo.
DISSOLUTION DE L'UNION NATIONALE
Le 15 janvier 2011, contre toute attente, André Mba Obame, secrétaire exécutif de l'Union nationale, s'autoproclame président de la République du Gabon et organise au siège du parti son intronisation. Dans la foulée, il forme un gouvernement parallèle et décide de se refugier au siège de la représentation locale de l' ONU.
En réaction, le pouvoir décide de dissoudre l'Union nationale. Ses dirigeants sont bannis de la vie publique, certains se voient leurs salaires coupés.
Le climat politique se dégrade. Les dirigeants du parti dissout parlent d'une "dictature émergeante" dans le pays. Une manière de tourner en dérision la politique du président de la République de conduire le pays vers l'émergence en 2025.
En 2012, croyant mettre en difficulté le pouvoir, l'opposition boycotte les élections législatives évoquant des questions de transparence électorale pas du tout garantie. Les 125 sièges de l' Assemblée nationale sont occupés par des partisans du pouvoir. Deux seulement reviennent à deux petits partis de l'opposition ayant accepté d'aller au scrutin.
Politiquement, le pays s'enlise d'avantage même si la paix est assurée. Lassée d'être loin des arcanes du pouvoir, l'opposition exige une conférence nationale souveraine, c'est-à-dire une mise à plat des institutions.
Le pouvoir rejette cette demande qu'il considère comme un projet de putsch contre les institutions. L'opposition se radicalise. Le pouvoir se referme aussi autour de lui-même comme un mille pattes. Le dialogue est quasiment rompu.
EFFETS DE LA REVOLUTION DU BURKINA FASO
Après que les Burkinabé eurent terrassé leur président Blaise Campaoré par des manifestations de rue, l'opposition radicale gabonaise a trouvé une nouvelle source d'inspiration.
Jean Ping, ancien président de la Commission de l'Union africaine (UA) a rejoint l'opposition radicale. L'ancien patron de la diplomatie gabonaise met son carnet d'adresses à disposition pour fragiliser le pouvoir qu'il traite de tous les noms d'oiseaux dans les médias internationaux. D'autres caciques du parti au pouvoir quittent aussi le navire et prennent le chemin de la contestation.
Suite à la publication en France le 29 octobre 2014 du livre de Pierre Péan, intitulé "Nouvelles affaires africaines : mensonges et pillages au Gabon", selon lequel Ali Bongo serait un enfant nigérian adopté, l'opposition lance la contestation, puisque la Constitution gabonaise interdit aux personnes ayant acquis la nationalité gabonaise d'être candidat à l'élection présidentielle.
L'opposition appelle à la désobéissance civile et ordonne à ses militants à ne plus reconnaitre Ali Bongo comme chef de l'Etat gabonais. La désobéissance civile est lancée mais le peuple ne suit pas.
Entretemps, la rue gronde. Les syndicats multiplient les grèves pour des revendications salariales. Les ONG et le représentant de l'ONU au Gabon appellent au dialogue pour éviter l'explosion du pays.
DEGELE POLITIQUE
Finalement, Ali Bongo décide de lâcher du leste. Le 31 octobre, il promet de réhabiliter l'Union nationale. Chose faite ce mercredi 4 février 2015.
"C'est une très bonne chose que l'Union nationale soit réhabilitée", se réjouit Louis Gaston Mayila, président d'un parti de l'opposition.
"La décision doit permettre de décrisper la situation politique du pays", jubile pour sa part Florentin Moussavou, président de l' Alliance pour la démocratie et la République (ADERE, majorité).
Ali Bongo ne s'arrête pas là. Il décide également de réhabiliter le Conseil national de la démocratie (CND) pour canaliser le dialogue politique dans le pays. C'est l'acte 2 du dégèle politique.
L'institution réhabilité avait été créée en 1994 mais n'a jamais fonctionné de façon optimale. "C'est un cadre idéal pour le dialogue politique dans le respect des institutions", affirme Ali Bongo.
Le numéro un gabonais s'est déclaré mercredi dernier prêt à ouvrir des discussions sur d'autres sujets quasiment tabous concernant la transparence électorale à travers la refonte du fichier électoral.
"L'opposition est prise de court et n'a quasiment plus de raisons de descendre dans la rue", affirme un politologue s' exprimant sous le couvert de l'anonymat. L'intellectuel reconnaît tout de même qu'il reste encore les chantiers de la limitation des mandats présidentiels. La constitution actuelle autorise le chef de l'Etat à se présenter autant de fois. La même loi limite à un seul tour toutes les élections politiques dans le pays. Ce que conteste l'opposition.