Toutefois, le village de Tio en Érythrée a fait exception : Liang Zi y rencontra des difficultés sans précédent pour prendre en photo les habitants de l'ethnie Afar, de confession musulmane. Dans l'esprit des femmes âgées locales, seules les prostituées se faisaient photographier et cette action était qualifiée de scandaleuse. Qui plus est, selon elles, si une personne âgée se laissait photographier, sa durée de vie en serait réduite. Du fait de ces conceptions, elles fuyaient l'objectif. Durant plus d'un mois, Liang Zi n'avait pas réussi à prendre la moindre photo de ces femmes locales.
Mais le mot « échec » ne fait pas partie du vocabulaire de Liang Zi, ou du moins, elle ne pouvait se résoudre à renoncer.
Liang Zi modéra ses attentes et mis entre parenthèses sa mission de photographe pendant quelque temps. Elle rangea son appareil et se mit à flâner dans les foyers. Lorsqu'elle remarquait des gens enrhumés, elle leur apportait en toute hâte des médicaments chinois. Elle massait les villageois pour atténuer leurs maux de tête. Elle leur distribuait également du riz que l'ambassade de Chine lui avait apporté, une denrée très précieuse dans la région. Avec le temps, le voisinage éprouva de l'amitié pour cette femme chinoise bienveillante, intelligente et compétente.
Liang Zi photographia non seulement des femmes de ce village, mais également des scènes insolites pour le monde extérieur : des femmes locales ayant recours aux fumées de bois pour dissimuler une partie de leur odeur corporelle, la nouvelle mariée devant être seule dans la chambre nuptiale après le mariage, etc. C'est sans aucun doute son amabilité et son statut de femme qui jouèrent un rôle particulier. Plus tard, nombre de ses œuvres relatives aux femmes africaines remportèrent des prix internationaux, ce qui suscita une admiration nouvelle de la part de ses confrères masculins.
C'est le caractère franc et honnête de Liang Zi qui l'aida à gagner l'amitié des populations locales, où qu'elle allât en Afrique.
La transformation du thème de ses photos
Avec l'approfondissement de ses connaissances sur l'Afrique, les contenus qu'elle notait évoluèrent. Tout au début, à la recherche d'éventuelles nouveautés, elle s'intéressait aux grands événements ou occasions, en particulier les mariages et les funérailles. Peu à peu, elle découvrit que les besoins élémentaires constituaient l'aspect dominant de la vie quotidienne et elle commença alors à prêter une vive attention au mode de vie propre aux habitants locaux : leurs manières de chasser, de pêcher ou d'extraire l'huile de palme, des pratiques parfois perpétuées depuis des centaines d'années.