L'activité humaine le long du cours supérieur du fleuve Yangzé, notamment la construction de centrales hydroélectriques et une pêche excessive, a poussé son écosystème au bord de l'effondrement, a averti un rapport publié jeudi.
Les chercheurs recommandent une interdiction immédiate de la pêche sur tout le fleuve et la promulgation d'une législation nationale pour protéger le plus grand fleuve chinois, ses ressources halieutiques subissant une grave récession.
La quantité de poissons des quatre principales espèces a diminué de plus de 30 milliards dans les années 1950 à moins de 100 millions aujourd'hui, et le nombre de races a été réduit de 143 à 17, selon le rapport publié par le Comité des ressources halieutiques du fleuve Yangzé sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture et du Fonds mondial pour la nature.
Le rapport s'est basé sur une expédition scientifique de 12 jours dans cinq régions provinciales en juin dernier, à laquelle trente deux chercheurs provenant d'organismes gouvernementaux et d'ONG ont participé.
C'est la première expédition du genre à étudier le cours supérieur du plus grand fleuve chinois concernant ses zones humides, sa diversité aquatique et l'environnement de l'eau, selon le WWF.
Outre la forte diminution du nombre de poissons, certaines espèces, comme le marsouin aptère, ont déjà disparu, a souligné Zhao Yimin, le responsable du Comité des ressources halieutiques du Yangzé.
La situation dramatique le long du fleuve n'a pas vraiment attiré l'attention du public «les gens peuvent acheter chaque jour du poisson frais sur un marché de produits frais. Ils ne se rendent pas bien compte de la gravité de la situation», a-t-il noté.
«La source des espèces diminue, conduisant à un développement non durable de l'aquaculture et à un écosystème de plus en plus fragile».
Zhao Yimin insiste sur le fait que les ressources halieutiques en Chine seront vite épuisées si aucune mesure immédiate n'est prise.
Le rapport cite une surexploitation de l'hydroélectricité et une l'application laxiste de la loi, les principales raisons expliquant la situation désastreuse.
Sur la rivière Jinsha, 25 centrales hydroélectriques sont ou seront bâties sur une distance de 100 km le long des 2308 km de l'affluent du Yangtsé, selon le plan de développement énergétique du pays.
Une fois terminées, ces centrales auront une capacité de production d'électricité équivalente à quatre projets de barrage des Trois Gorges.
«Cela va diviser la rivière en sections, et changer complètement l'environnement aquatique, apportant un impact dévastateur sur les espèces et la qualité de l'eau», a déclaré Zhao.
Selon les lois environnementales, une centrale doit passer une évaluation de l'impact sur l'environnement avant le début de sa construction. Cependant, la majorité des projets démarrent sans aucune évaluation, a fait remarquer M. Zhao.
L'étude d'impact environnemental pour le projet hydroélectrique de Shuangjiangkou, par exemple, a été adoptée deux ans après le commencement de sa construction en 2011.
Chen Jiakuan, professeur à l'Université Fudan de Shanghai, qui a participé à l'expédition de recherche, a déclaré que 450 millions de tonnes de sable s'écoulaient en aval du Yangzé dans les années 1950, comparativement à 150 millions de tonnes à l'heure actuelle.
«Le sable et l'envasement des réservoirs, conduisant à la dégradation de la qualité de l'eau. en changeant aussi l'environnement pour les poissons», a fait observer l'enseignant Chen.
Les centrales hydroélectriques modifient également les températures de l'eau et le débit de l'eau, ce qui endommage les plantes et les animaux indigènes dans le fleuve et sur la terre, a-t-il dit.
Quant à la surpêche, selon les experts, les 100 000 tonnes de poissons pris dans le Yangzé vont bien au-delà de ce que permet son écosystème.
Un moratoire annuel de trois mois pendant la période de frai des poissons du fleuve est loin d'être suffisant pour la reproduction des poissons, a expliqué M. Zhao. Ajoutant que la meilleure solution était d'imposer une interdiction totale de la pêche.
Mais, le responsable a reconnu qu'une telle politique était difficile à mettre en œuvre car cela impliquait un grand nombre de questions à régler, notamment la compensation de ceux qui vivent de la pêche.
Il suggère la création d'un service de coordination de différents groupes d'intérêt pour résoudre le problème.
«Le ministère devrait être responsable de l'élaboration des plans de compensation pour s'assurer qu'une interdiction de pêche soit efficace».
Le bassin du fleuve Yangzé couvrant 19 provinces et villes, soit 18,8% de la superficie des terres en Chine, ce qui fait que sauver le fleuve et ses ressources halieutiques n'est pas une tâche facile.
Une nouvelle législation est nécessaire pour sensibiliser le public, selon le rapport.
Ren Wenwei, chef du programme de conservation du WWF Shanghai, a déclaré que les règles actuelles n'étaient pas suffisantes.
En précisant que : «Le Comité des ressources halieutiques du Yangzé est un simple département ministériel, qui a un pouvoir limité pour coordonner les différents groupes d'intérêt».
Le responsable de Shanghai et d'autres scientifiques proposent l'élaboration d'une loi sur la gestion du bassin du fleuve Yangzé, afin d'établir un service de coordination relevant directement du Conseil d'Etat.