Le président français François Hollande est attendu mercredi et jeudi en Algérie, dans le cadre de son premier déplacement en terre maghrébine depuis son élection le 6 mai dernier à la tête de la présidence française.
Cette visite, qui coïncide avec le 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, revêt de multiples enjeux, vu les relations profondes sur les plans économiques et socio-culturelles dues à un héritage historique exceptionnel entre les deux pays méditerrannéens.
"Cette visite permettra de consolider les bases de la relation d'exception que les dirigeants des deux pays s'emploient à ériger en partenariat stratégique", a déclaré la présidence de la République algérienne.
UNE VISITE TOURNEE VERS L'AVENIR
Pendant son séjour, M. Hollande aura un agenda bien chargé.
Il rencontrera son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika, prononcera une allocution devant les membres des Chambres haute et basse algériennes, une intervention à l'occasion des rencontres économiques franco-algériennes et un discours à l'Université Aboubakr Belkaïd de Tlemcen (520 km à l'ouest d'Alger), en passant par la signature d'un certain nombre d'accords et conventions touchant notamment aux secteurs économique, culturel et éducatif.
"L'arrivée de François Hollande en Algérie constitue un nouveau départ pour les relations entre les deux pays, dans la mesure où les deux parties ont affiché leur intention de régler les questions en suspens, notamment celles liées à la mémoire, à la communauté algérienne établie en France ainsi qu'aux dossiers économiques", a déclaré à Xinhua l'enseignant-chercheur à la faculté de sciences politiques de l'université Alger III, le Docteur Rachid Tlemçani.
Pour cette visite, Paris et Alger ont tous deux accordé une grande importance.
Avant la visite, Paris n'a cessé d'émettre des signaux forts pour un réchauffement des relations entre les deux pays, à commencer par l'envoi successif de quatre ministres français à Alger de juillet à octobre, puis la reconnaissance "avec lucidité" de la répression qui s'était abattue sur les Algériens à Paris le 17 octobre 1961. Un geste apprécié et salué par Alger.
Dans le même ordre d'idée, le ministre français de l'intérieur Manuel Valls a récemment déclaré avoir renoncé à la pratique du temps de Nicolas Sarkozy de réviser l'accord de 1968 avec l'Algérie, dans le cadre de contrôler l'immigration en France. Ce document, amendé à trois reprises, prévoit des règles favorables à l'entrée, au séjour et à l'emploi des Algériens en France, dont l'effectif est estimé à quatre millions, dont deux millions de bi-nationaux, à en croire Gilbert Meynier, spécialiste en histoire de l'Algérie.
Côté Alger, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a mis l'accent sur l'établissement d'une relation "résolument tournée vers l'avenir".
"Nous attendons de cette visite l'ouverture d'un nouveau chapitre dans les relations entre l'Algérie et la France, basé sur l'amitié et la coopération", a-t-il déclaré, affirmant la volonté d'Alger d'aboutir avec Paris à une coopération basée sur "le principe gagnant-gagnant".
L'HISTOIRE, UN SUJET INCONTOURNABLE
Les rancunes historiques restent toujours un dossier incontournable dans la normalisation des relations algéro-françaises.
Les atrocités commises pendant les 132 ans de présence française en Algérie, dont les massacres et les essais nucléaires, restent gravées dans les mémoires des Algériens.
"La France doit s'excuser, reconnaître et indemniser toutes les victimes de la colonisation barbare dans notre pays (...) Aujourd'hui, le nouveau président français doit reconnaître les crimes et demander pardon à tous les Algériens", a martelé Rezki, un vétéran de l'Armée de libération nationale algérienne.
Pour sa part, Salim Kelala, un analyste politique et professeur à l'Institut des sciences politiques à Alger, a estimé que les relations bilatérales peuvent atteindre une normalisation au cas où le président Hollande reconnaisse les crimes de l'ère coloniale.
"La France doit reconnaître, plutôt que de s'excuser pour les crimes commis pendant le régime colonial en Algérie. Une fois cette reconnaissance formulée, l'Algérie doit passer à une autre étape à savoir celle d'une véritable coopération économique", a fait savoir M. Kelala.
En ce qui concerne "les prochains gestes" du président Hollande, l'historien français spécialisé en Algérie, Benjamin Stora, a jugé dans un récent entretien à la presse qu'il pourrait s'agir de discours qui abordent "la nature répressive" du système colonial, ou de rencontres avec des acteurs de la guerre d'indépendance algérienne.
A la question de savoir si le président français va déclarer la repentance de son pays sur les crimes commis entre 1830 et 1962, le Docteur Rachid Tlemçani a relevé qu'il s'agit d"'un faux débat, alimenté en France par l'extrême droite et par la famille révolutionnaire en Algérie", ajoutant que le plus important consiste à renforcer les liens entre Alger et Paris sur tous les plans.
UNE MISSION AUX FORTS ACCENTS DE BUSINESS
Si cette visite est importante sur les plans historique, politique et socio-culturel, elle l'est aussi sur le plan économique. Une série de projets de coopération industriels devraient être signés à cette occasion.
S'exprimant lundi sur la chaîne de télévision France 3, le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal a indiqué que les deux parties signeront un accord portant sur la réalisation d'une usine Renault à Oran (420 km à l'ouest d'Alger).
Dans une interview accordée à Xinhua, l'économiste algérien Abdelhamid Mezaache a indiqué que la venue de M. Hollande sera bénéfique pour l'Algérie tant que les Français apporteront de l'assistance technique.
Cependant, a-t-il ajouté, "connaissons la manière de faire des autorités politiques françaises, qu'elles soient de droite ou de gauche, elles n'interviennent pas à la place des entreprises pour conclure des contrats", a-t-il noté, en faisant illusion aux pronostics de certains milieux algériens qui attendent la finalisation de gros contrats en négociation pour des partenariats entre des entreprises des deux pays.
Malgré des hauts et des bas politiques avec l'Algérie, la France se présente pourtant comme un partenaire économique privilégié pour ce pays d'Afrique du Nord.
Selon les chiffres du ministère algérien du Commerce, l'Hexagone est le plus grand fournisseur de l'Algérie avec 7,1 milliards de dollars, et son quatrième client avec 6,6 milliards de dollars en 2011. Sur le plan des investissements, depuis la tenue en mai 2011 du Forum de partenariat économique algéro-français, une vingtaine d'accords ont été conclus entre des entreprises algériennes et françaises.
En outre, la France envisage de renforcer sa présence économique en Algérie, en investissant dans plusieurs secteurs, notamment les services bancaires, les assurances, les transports, les nouvelles technologies, la pétrochimie, l'ingénierie, les ressources en eau, la protection de l'environnement, la construction et l'industrie.