Depuis l'arrivée au pouvoir en mars dernier du président Macky Sall, la justice sénégalaise ne laisse aucun répit à certains anciens dignitaires du régime, soupçonnés de corruption et d'enrichissement illicite ou d'avoir " pillé" les ressources du pays au détriment du contribuable sénégalais, constatent les observateurs.
Au nom de cette lutte contre les biens mal acquis, le président sénégalais a réactivé la Cour de Répression contre l'enrichissement illicite, tombée en désuétude peu après sa création en 1980 par le président Abdou Diouf. La particularité de cette cour est que les personnes convoquée devant cette juridiction d'exception doivent apporter la preuve de leur enrichissement pour ne pas être condamnées.
Pour marquer davantage sa volonté de lutter contre la corruption et la fraude, le chef de l'Etat a par ailleurs créé un Office national Anti-corruption, qui complète et renforce les corps de contrôle déjà mis en place.
Le président Sall a en outre transmis à la justice les conclusions des audits faits sous l'ancien régime qui incriminaient certains directeurs de sociétés ou d'organisme d'état soupçonnés d'avoir détourné l'argent du contribuable.
Enfin, l'Assemblée nationale a été saisie d'une demande de levée de l'immunité parlementaire des députés de l'opposition, Oumar Sarr, Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé, tous anciens ministres de l'ex régime.
Cette décision intervient alors d'autres hauts dignitaires de l'ex-régime dont Karim Wade, tout puissant ministre d'Etat et fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, ainsi que plusieurs de ces anciens ministres, soupçonnés d'avoir détourné "d'importantes sommes d'argents lors de leur règne" continuent de défiler devant les enquêteurs contre l'enrichissement illicite.
Depuis le lancement de la traque contre l'enrichissement illicite, d'anciens proches de Wade ont été mis en détention préventive, alors que d'autres attendant d'être convoqués par les enquêteurs.
C'est dans ce contexte qu'un ancien député du Parti démocratique Sénégalais (PDS, actuellement dans l'opposition) et proche de l'ex-président a été arrêté à l'aéroport international de Dakar, de retour de Dubaï, avec en possession de deux chèques d'un montant total de 3 milliards de Francs Cfa (6 millions de dollars US).
Ces chèques émanaient, selon des sources proches de l'enquête, de l'ancien président Wade, qui vit actuellement en France et étaient destinés notamment à deux hauts dignitaires de l'ex régime : Samuel Sarr (ancien ministre conseiller financiers de Wade) et Madické Niang (ancien ministre des Affaires étrangères).
Ces deux anciens ministres, qui font partie des hauts responsables de l'ex régime, interdits de sortir le territoire sénégalais pour enquête sur leur présumé enrichissement illicite, ont été entendus par la police, vendredi, avant être libérés.
L'ouverture des enquêtes contre les anciens dignitaires du régime Wade est interprétée comme une chasse aux sorcières déclenchée par le nouveau régime et comme un moyen de masquer son incapacité de satisfaire ses promesses de réduire le coût de la vie et le chômage des jeunes.
Pour sa part, le chef de l'Etat du Sénégal Macky Sall a réaffirmé lors de son adresse à la nation, le 31 décembre dernier, son engagement à mener jusqu'au bout la traque contre l'enrichissement illicite, et cela malgré les agitations de hauts responsables de l'ex régime qui parlent de traque ciblée contre des opposants.
La démarche du chef de l'Etat bénéficie de l'adhésion de la société civile sénégalaise qui recommande aux nouvelles autorités de mettre en avant la bonne gouvernance. Cette traque des biens mal acquis trouve un écho favorable du côté de l'opinion publique en général mais aussi des familles religieuses.