La position du président égyptien Mohamed Morsi devient d'autant plus instable que des pressions occidentales croissantes exhortent le président pro-islamiste à écouter la demande des manifestants, ont déclaré des experts politiques locaux.
M. Morsi est présentement confronté à une vague de manifestations à l'échelle nationale qui lui demandent de démissionner et appellent à une élection présidentielle anticipée. Bien qu'ils soient des millions, ses partisans, en majorité des islamistes, sont beaucoup moins nombreux que ses adversaires, qui inondent les rues principales et places publiques du pays.
Lundi, l'armée égyptienne a demandé à tous les partis rivaux de résoudre le conflit politique en cours dans un délai de 48 heures, sans quoi elle imposerait une feuille de route pour l'avenir du pays plongé dans le chaos.
Le président américain Barack Obama a fait un appel téléphonique à M. Morsi mardi matin pour transmettre ses préoccupations concernant les récents développements en Egypte, selon la Maison Blanche.
"Les Etats-Unis se sont engagés dans le processus démocratique en Egypte et ne soutiennent aucun parti ou groupe" a indiqué M. Obama à M. Morsi.
"Il (Obama) a souligné que la démocratie, c'est plus que des élections", encourageant M. Morsi à prendre des mesures "réactives" face aux nombreux manifestants anti-président à travers le pays et soulignant sa "profonde inquiétude" concernant de possibles violences lors des manifestations.
Toujours mardi, le porte-parole du Haut Commissariat pour les droits de l'Homme des Nations Unies, Rupert Colville, a déclaré: "Nous demandons au président de l'Egypte d'écouter les demandes et les souhaits du peuple égyptien".
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a également exhorté Morsi à "écouter" les revendications des manifestants.
Sobhi Essaila, expert politique au centre d'Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques, a confié à Xinhua qu'"il semble que les Etats-Unis ont pris la décision de renoncer à Morsi et aux Frères musulmans (FM)".
M. Essaila a indiqué que M. Morsi était non seulement confronté à "des pressions occidentales", mais également à une "insatisfaction interne de ses propres hommes, mise en évidence par la démission de plusieurs ministres et fonctionnaires clés".
Il a également exprimé sa conviction que l'administration de M. Morsi "s'était déjà détériorée", notant que même si M. Morsi propose d'organiser un référendum sur le maintien de son poste, "il est maintenant trop tard".
Les préoccupations de l'Occident se sont intensifiées depuis que des affrontements entre opposants et partisans ont tué au moins 24 personnes et en ont blessé plus de 1 200 au cours de la dernière semaine. Des affrontements ont continué mardi, tuant au moins sept personnes et en blessant plus de 200 autres alors que le compte à rebours de l'ultimatum de l'armée est bien entamé.
Ahmed al-Fadali, politologue et coordinateur général du Courant Indépendant, a déclaré que l'Occident et les Etats-Unis accordent généralement leur soutien à tout régime qui obtient l'appui de son propre peuple.
"Au moment où cette mentalité est remise en question en raison de la colère du public, les Etats-Unis et l'Occident n'ont pas d'autre choix que de suivre le pouls de la rue", a déclaré à l'agence Xinhua M. Fadali, qui représente 30 partis politiques.
M. Fadali, également chef du parti de la paix démocratique, fait écho à l'avis de M. Essaila, selon qui M. Morsi est devenu le maillon faible de l'équation. "Peut-être qu'il se retrouve même en dehors de l'équation en quelque sorte".
Il a ajouté que même si M. Morsi refusait de démissionner, il a en fait déjà été limogé par des millions de personnes qui sont descendues dans les rues le 30 juin.
"La situation aurait été trop dangereuse sans les forces armées", a souligné M. Fadali, ajoutant que la meilleure issue pour M. Morsi est de démissionner dans les prochaines heures avant que l'ultimatum de l'armée ne soit terminé.
Cependant, mardi soir, dans un discours télévisé, M. Morsi a déclaré qu'il n'y aurait pas d'alternative à la légitimité et qu'il paierait de sa vie pour l'assurer.
Le professeur de sciences politiques Tharwat Badawi a déclaré à Xinhua qu'il s'attend à ce que M. Morsi tente de parvenir à un accord avec ses rivaux, sans quoi il y aurait "des rivières ou des mers de sang".