Depuis toujours, entre une maladie et la personne qui en est atteinte, c'est la lutte du bouclier contre l'épée, chacun préparant ses défenses contre les attaques de l'autre ou, au contraire, tentant de percer les défenses adverses. Dans certains cas, c'est le malade qui prend le dessus, et c'est ce qui se passe en Afrique avec le paludisme : de nombreux Africains sont ainsi porteurs sains d'une maladie génétique qui altère la forme des globules rouges la drépanocytose. Et cette maladie, qui pourrait passer pour un inconvénient s'est révélé être un atout contre le paludisme, son vecteur ne survivant pas dans le sang.
Ce n'est pas un cas isolé, puisqu'on estime aussi que 95 % de la population subsaharienne est naturellement immunisée contre Plasmodium vivax, l'une des cinq espèces de parasites à l'origine du paludisme, du fait de l'absence d'une glycoprotéine du nom de Duffy, dont a besoin le virus pour pénétrer les cellules. Le Plasmodium vivax ne peut donc pas les infecter, ce qui n'est pas le cas, par exemple, des populations asiatiques et sud-américaines, qui sont assez sévèrement confrontées au virus.
Hélas, cet avantage constaté chez la population africaine pourrait ne plus durer, car depuis quelques années, les chercheurs ont observé des cas de paludisme vivax chez des patients Duffy négatifs, ce qui laisserait penser que le parasite aurait trouvé une façon de contourner les défenses immunitaires. Il s'est ainsi avéré que sur 189 patients malgaches touchés par le vivax et pourtant Duffy négatifs, environ 50 % étaient hôtes d'un parasite dont le génome comportait une duplication génique jusqu'alors jamais observée et que cette modification du génome était récente.
Les analyses d'une souche cambodgienne ont également montré des mutations génétiques qui n'avaient pas été observées jusqu'à aujourd'hui. D'autres analyses ont aussi révélé que ce n'était pas un cas isolé, puisque ces gènes ont également été retrouvés en Corée du Nord, en Mauritanie et au Brésil. Si ces résultats sont confirmés par des études ultérieures, cela pourrait donc laisser craindre une augmentation de l'incidence du paludisme à travers le monde, ce qui est particulièrement inquiétant quand on sait que le paludisme vivax est à l'origine d'une centaine de millions de cas par an. Il est donc à craindre que les attaques du virus puissent toucher plus de personnes encore dans l'avenir.