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Cameroun : sept mois de captivité pour un élu du parti au pouvoir, enlevé avec d'autres personnes en mars à l'Est

Xinhua | 26.10.2015 15h57

Plus de sept mois se sont écoulés depuis l'enlèvement en mars à l'Est d'un élu local du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti au pouvoir) avec quinze autres personnes originaires du Nord et le mystère reste entier au sujet de l'identité et des motivations des ravisseurs, soupçonnés d'être des membres d'un groupe rebelle centrafricain.

En cours d'exécution d'un troisième mandat consécutif acquis lors des récentes élections législatives et municipales tenues en septembre 2013, Mama Abakaï, le maire de Lagdo (Nord), faisait partie d'une délégation prise au piège d'une embuscade tendue par un groupe d'individus armés non identifiés le 19 mars en soirée, à Badan dans l'arrondissement de Garoua-Boulaï, près de la frontière centrafricaine à l'Est.

Composée d'un total de seize personnes parmi lesquelles aussi la dirigeante d'une section du Nord de l'OFRDPC, la branche du parti présidentiel dédiée aux femmes, quatre chefs traditionnels et des opérateurs économiques, cette délégation effectuait son voyage-retour après avoir séjourné à Bertoua, la principale ville de l'Est, à l'occasion d'un deuil.

Dès le départ, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), auteur d'une série d'attaques et de prises d'otages dans cette partie du Cameroun, avait été pointé du doigt d'être le principal suspect de ce rapt. Mais, le groupe du chef rebelle centrafricain Aboulaye Miskine, libéré après un an d'incarcération en septembre 2014 à Yaoundé, avait vite démenti dans un communiqué ces accusations.

Plus de sept mois après, il n'a encore été fait état d'une quelconque annonce de revendication et le moindre indice n'est avancé, du moins par des canaux officiels ni même informels, tant sur l'identité des ravisseurs du maire Mama Abakaï et sa délégation, que sur les mobiles de cet acte et le lieu de captivité des seize otages camerounais.

C'est un fait rare, au regard des résultats exceptionnels obtenus par les autorités camerounaises pour la libération de plusieurs vagues d'otages, pour la plupart d'origine étrangère, aux mains de la secte islamiste nigériane Boko Haram, très active depuis 2013 dans la région de l'Extrême-Nord.

Il y a un mois, une folle rumeur relayée par des journaux camerounais avait annoncé la libération de l'élu local et de ses compagnons d'infortune. Une simple confusion avec un autre groupe de personnes enlevées au cours de cette période dans même région de l'Est, selon les autorités locales dans une réaction officielle donnant lieu à un démenti des informations diffusées au sein de l'opinion publique.

Depuis lors, l'angoisse est à son comble chez les proches des seize otages du Nord. "Ce n'est pas facile. Je n'ai aucune nouvelle de mon mari. Dernièrement, on a dit qu'ils ont été libérés et qu'ils étaient à Yaoundé. On a attendu de les voir revenir, mais rien ne s'est passé", a confié d'une voix prudente Falmata, l'épouse du maire que Xinhua a pu contacter.

Traversée par le fleuve Bénoué, qui coule jusqu'à Lagos, la métropole économique du Nigeria, Lagdo est une petite ville du Nord du Cameroun dotée d'un barrage hydroélectrique, ouvrage de production d'énergie de portée nationale construit il y a près de 40 ans avec l'appui de la coopération chinoise et autour duquel se développe une activité économique basée sur la pêche, avec la participation de ressortissants nigérians, tchadiens et même maliens.

Après 2002 et 2007, Mama Abakaï a été réélu en 2013 à la tête de la commune, résultat d'un engagement au sein du parti au pouvoir qui ne se fait pas sans obstacle, comme dans tout combat politique. Face à lui, de nombreux adversaires sont déclarés et à Lagdo la rumeur n'hésite pas à désigner certains d'entre eux comme des suspects de l'attaque et de la prise d'otages du 19 mars à l'Est.

A 51 ans, ce musulman monogame forme depuis 30 ans avec son épouse une famille de trois enfants, dont un poursuit ses études à l'université à l'étranger et les deux autres des universités

camerounaises. "Mon mari a aussi adopté beaucoup d'enfants, qui sont à notre charge. Ils sont au nombre de sept", précise en outre son épouse, Falmata.

Pour surmonter l'épreuve de la longue captivité de son mari, celle-ci multiplie les prières pour implorer l'aide du Ciel. "Dieu est grand. Grâce à lui, on tient le coup. Il y a des gens qui m'aident, comme le préfet par exemple. Il nous rend souvent visite", souffle-t-elle, de sa voix réservée et pleine d'émotion, synonyme de la souffrance qui l'anime.

Elle est surprise d'apprendre que son mari et les quinze autres otages se trouveraient en captivité en République centrafricaine (RCA), depuis leur enlèvement, d'après les hypothèses émises par les services de renseignement.

A Yaoundé, c'est motus, bouche cousue. Une attitude sans doute due à la logique de confidentialité qui a à chaque fois prévalu dans la gestion de tels dossiers, comme cela a été constaté avec les opérations menées avec la plus grande discrétion depuis le sommet de l'Etat lui-même et ayant conduit à la libération de nombreux otages aux mains Boko Haram entre 2013 et 2014.

Par Raphaël MVOGO

(Rédacteurs :Wei SHAN, Yin GAO)
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