Dernière mise à jour à 08h36 le 26/04
L'Union des Comores, pays insulaire africain dans le sud de l'océan Indien, avance sur le chemin vers un anéantissement total du paludisme sur ses îles, cinq ans après un projet soutenu par la Chine.
L'archipel discute actuellement avec les partenaires scientifiques chinois de la collaboration pour atteindre définitivement cet objectif en trois ans, ont confirmé à Xinhua des responsables chinois, à la veille de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme mercredi.
Le paludisme tue environ un demi-million de personnes chaque année dans le monde, dont environ 90% en Afrique. Les Comores, cependant, sont parmi quelques nations africaines qui semblent maintenant prêtes à se débarrasser de cette épidémie.
Song Jianping, directeur de l'Institut de médecine tropicale à l'Université de médecine chinoise de Guangzhou (GZUCM) (sud de la Chine), dirige une équipe chargée de la lutte contre le paludisme aux Comores. Il est confiant qu'avec les efforts conjoints, l'archipel arrivera à anéantir le paludisme dès l'an 2020.
Pour nombre de Comoriens, le paludisme et les horreurs qu'il invoque sont en train de disparaître, et ce grâce à un projet de GZUCM entre 2007 et 2013. Aujourd'hui, les chercheurs chinois sont en train d'identifier les zones d'infection restantes dans l'archipel, pour y appliquer l'Administration massive de médicament (AMM) à petite échelle.
Cette méthode, utilisant un médicament élaboré en Chine et une approche non conventionnelle, a réussi à éradiquer le paludisme sur deux îles comoriennes. L'équipe chinoise espère que cette réussite pourrait également ouvrir une nouvelle piste pour anéantir ce fléau véhiculé par les moustiques.
Nassurddine Houssen, 51 ans, se souvient de la façon dont ses parents passaient tous les soirs à s'inquiéter du coût de l'achat des produits anti-moustiques. Le paludisme tue un enfant toutes les deux minutes dans le monde.
"Au cours de mon enfance, j'ai connu de nombreux amis tués par cette maladie de moustique (paludisme)", déclare Houssen, un habitant de l'île d'Anjouan aux Comores. "Ma petite soeur a failli en mourir."
"Des enfants sont morts, et nous ne savions pas exactement pourquoi. Beaucoup de parents pensaient que c'était à cause du démon", affirme Echat Malide, directeur de l'hôpital Hombo à Anjouan, rappelant que le paludisme touchait les deux tiers des 800.000 habitants aux Comores et était la première maladie mortelle dans l'archipel au large de la côte sud-est de l'Afrique.
Les marées de changement ont commencé en 2007, quand une équipe de scientifiques chinois a introduit un projet anti-paludisme à l'île de Mohéli avant de l'étendre à Anjouan en 2012 et à Grande Comore en 2013. Sur ces trois îles, ce projet a conduit à une baisse de 98% des cas de paludisme, de plus de 100.000 à 1.300 cas par an, selon l'ambassadeur de Chine aux Comores, He Yanjun.
Contrairement aux méthodes traditionnelles de destruction des moustiques et de prévention des piqûres de moustiques, le projet chinois consiste à demander aux résidents de prendre simultanément des médicaments pour éliminer les parasites du paludisme, avec la pratique AMM. La méthode part du principe que les moustiques sont des vecteurs qui transmettent des parasites d'une personne à l'autre. Par consequent, si la source d'infection humaine est purgée, les moustiques n'auront plus de parasite à transmettre.
Cinq ans après le projet, les deux îles comoriennes Mohéli et Anjouan sont considérées comme exemptes de paludisme. Les autorités ont déclaré que les seuls 16 cas enregistrés en 2016 étaient "importés". L'île de Grande Comore, où le taux de participation à l'AMM était inférieur à celui des deux îles, a enregistré 1.641 cas en 2016.
A QUAND LA FIN DU FLEAU ?
Le nouveau projet, qui sera lancé plus tard cette année, s'appuiera sur la popularité des efforts précédents de l'AMM, dont le succès dans la lutte contre la propagation du paludisme a attiré les habitants des Comores.
"A Anjouan et Mohéli, il n'y a pas de paludisme maintenant ... Il y a encore quelques cas à Grande Comore mais cela a beaucoup diminué", déclare Layar Idoine, citant son expérience en tant que médecin ayant travaillé sur la Grande Comore et Anjouan.
Les peurs prédominantes du paludisme et le fardeau financier imposé par les coûts de traitement à ce pays, parmi les plus pauvres du monde, ont également disparu.
Dans le passé, "le paludisme était dans l'esprit des gens. Quand une personne est malade, tout le monde pensait que c'était le paludisme... Chaque fois que quelqu'un avait de la fièvre, ils sortaient pour acheter de la nivaquine et du paracétamol," dit Idoine.
"Le paludisme a fait échouer l'économie, la productivité du pays était en berne, et le taux de réussite des enfants dans les écoles était faible en raison de l'absentéisme", déclare Affane Barcar, dircteur du Programme national contre le paludisme aux Comores. "Nous voyons maintenant la différence avec les années passées. Nous voyons une hausse du succès de nos étudiants, et la fréquentation des centres de santé a diminué de 40%."
Dans une publication de 2016, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a classé les Comores parmi les six pays africains sur la bonne voie pour éliminer le paludisme avant 2020. En janvier 2018, les Comores ont remporté le prix d'excellence de l'Alliance des dirigeants africains contre le paludisme (ALMA) en marge du sommet de l'Union Africaine, en reconnaissance de ses efforts dans la lutte contre le paludisme.
Selon Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'UA, cette maladie reste le principal problème de santé en Afrique et coûte au continent 12 milliards de dollars par an en perte de productivité, en investissement et en soins de santé.
L'Afrique s'est engagée à éliminer le paludisme d'ici 2030, comme indiqué dans l'Agenda 2063 de l'UA.
METHODE CHINOISE
Ce projet de lutte contre le paludisme aux Comores est "une bonne démonstration de l'amitié, du partenariat et de la fraternité entre la Chine et l'Afrique", déclare l'ambassadeur de Chine aux Comores, He Yanjun.
L'arme principale utilisée dans le projet est un médicament développé en Chine appelé Artequick, une nouvelle combinaison thérapeutique à base d'artémisinine (ACT) qui combine l'artémisinine, la pipéraquine et une petite dose de primaquine.
Son ingrédient principal, l'artémisinine, désormais à l'avant-garde de la lutte mondiale contre le paludisme, a été découvert par la scientifique chinoise Tu Youyou, lauréat 2015 du prix Nobel de médecine, à partir d'absinthe, une plante principalement cultivée en Chine.
"L'artémisinine a un effet rapide contre les parasites du paludisme, tandis que la pipéraquine a un effet à plus long terme," explique Deng Changsheng, chercheur à GZUCM et membre de l'équipe antipaludique aux Comores. "La combinaison rend également moins susceptible de provoquer une résistance aux médicaments".
Li Guoqiao dirigeait une équipe pour administrer le projet à Moheli. Il souligne qu'en administrant massivement ce médicament pendant une période de temps limitée, on s'attaque à la véritable source de l'épidémie.
"La stratégie AMM ressemble à une course avec le cycle de vie des moustiques. Les habitants doivent prendre des médicaments deux fois en deux mois, période pendant laquelle les nouveaux moustiques n'attraperont pas de parasites, et les anciens insectes ne pourront pas survivre", explique le professeur de GZUCM.
Selon M. Song, la stratégie convient aux conditions du pays, notamment le nombre réduit des habitants et leur mobilité limitée. De telles innovations peuvent également être empruntées dans les pays africains où les méthodes traditionnelles de tuer les moustiques et de distribuer des moustiquaires n'ont pas fonctionné. "Il n'y a pas de solution fixe pour le paludisme, et les Comores en sont un bon exemple, car il est très important de s'adapter aux conditions locales."
VICTOIRE A L'HORIZON
Dans la durée, les scientifiques chinois souhaitent renforcer la coopération avec les Comoriens dans la formation du personnel médical et le renforcement des capacités antipaludiques.
De tels efforts sont importants si les Comores espèrent maintenir leur victoire contre le paludisme, note M. Deng. La bonne nouvelle, c'est que la coopération précédente a aidé les Comores à constituer leur propre équipe de surveillance du paludisme.
Dans un laboratoire au Centre antipaludique des Comores, plusieurs techniciens locaux cherchent des parasites du paludisme sur des plaques verres violets contenant des échantillons de sang de villageois locaux. A côté, il y a un autre laboratoire pour l'échantillonnage des moustiques.
Kamal Said Abdullah, un technicien du centre, déclare à Xinhua que lui et ses collègues sortent deux fois par semaine pour recueillir des échantillons de sang et de moustiques dans différents endroits des Comores.
"Nous surveillons de près la situation: lorsque nous détectons des cas de paludisme, nous réexaminerons l'endroit et distribuerons des médicaments pour résoudre le problème."