Le discours prononcé par le Premier ministre japonais Shinzo Abe devant le Congrès américain pourrait être considéré comme "historique", car il suppose que le Japon ne présentera plus d'excuses sincères à ses voisins asiatiques victimes de l'agression brutale et de l'administration coloniale japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale.
M. Abe a déclaré que la voie empruntée par le Japon après la guerre était fondée sur "de profonds remords" concernant la guerre et que "les actions" du pays avaient "infligé des souffrances aux peuples asiatiques".
"Nous ne devons pas détourner notre regard de cela. Je vais reprendre les points de vue exprimés par les anciens Premiers ministres à cet égard", a-t-il déclaré lors d'une session conjointe du Congrès américain.
Dans ce discours bien préparé prononcé devant les législateurs américains, M. Abe a toutefois laissé transparaître son idéologie révisionniste en parlant d'"actions" plutôt que d'"agression et d'administration coloniale" et "de profonds remords" plutôt que "d'excuses sincères" dans une tentative manifeste de minimiser les atrocités de guerre de son pays.
La déclaration que M. Abe prononcera à l'occasion du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale cet été soulève des préoccupations en Chine et en Corée du Sud, car le Premier ministre japonais aux tendances bellicistes a laissé entendre qu'il ne répéterait pas les mots clés employés par ses prédécesseurs.
Des indices plus clairs sur ce que M. Abe déclarera dans quelques mois au Japon ont également été dévoilés. Avec les applaudissements qu'il a reçus au Capitole, M. Abe pense qu'il a obtenu à travers son discours très médiatisé l'assentiment de Washington pour faire comme bon lui semblera et ainsi défigurer la célèbre Déclaration de Murayama de 1995.
Ce qui devrait être la priorité des États-Unis en Asie est d'encourager le Japon à se réconcilier avec ses voisins, plutôt que d'encourager de manière irresponsable son "pivot en Asie" et d'enhardir le gouvernement pro-droite de M. Abe, que ce soit intentionnellement ou non.
De telles erreurs porteront atteinte à la paix et à la stabilité de toute la région, et aboutiront à une escalade des tensions entre le Japon et ses voisins, tensions qui mettront également en péril les intérêts américains.
Le chef de gouvernement japonais doit également être conscient que le Japon, en tant que pays qui a infligé d'énormes souffrances et dégâts à l'Asie durant la Seconde Guerre mondiale, devrait d'abord chercher à se réconcilier avec ses voisins asiatiques.
Malheureusement, les deux alliés se dirigent dans une direction peu judicieuse, guidée par une ligne directrice de défense récemment révisée, qui permettra à M. Abe d'augmenter la capacité des Forces d'autodéfense du Japon afin qu'elles aient la possibilité de régler les différends avec ses voisins et de s'immiscer dans les affaires régionales de manière imposante.
Sans présenter d'excuses, le Japon a perdu une autre chance de réparer les liens avec ses voisins, assombrissant ainsi l'avenir en Asie de l'Est.