Raffarin : la Chine est l'un des pays les plus prévisibles au monde

La Chine semble faire peur aux Français… C'est du moins ce qu'on peut lire dans la presse et les médias de l'Hexagone, notamment dans des séries d'articles publiés après la clôture du 19e Congrès national du Parti communiste chinois. Dans le discours du président Xi Jinping, le pays affirme ses objectifs de devenir une puissance moderne et va poursuivre avec détermination le chemin du socialisme à la chinoise en le prenant comme une alternative de la démocratie occidentale.

En conséquence, des propos évoquant la menace de la Chine ou son éventuel écroulement réapparaissent. Sur ces points de vue critiques, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français et grand ami de la Chine, incite les Français à regarder plutôt du côté positif de la chose : la prévisibilité à long terme du pays.

People.cn : Quel est votre sentiment sur les objectifs de la puissance chinoise affirmés dans le discours du président Xi Jinping à l'occasion du 19 Congrès national du PCC ?

Jean-Pierre Raffarin : Dans le livre de Xi Jinping publié en 2015, La gouvernance de la Chine, il est clairement indiqué que le parti se charge de la difficile tâche historique d'unir et de diriger le peuple. L'ancrage « socialiste » étant limpide.

Dans le rapport du président à l'occasion du 19 Congrès du PCC, tous les éléments importants de la « nouvelle ère » sont très précis : le rêve chinois, le rôle dominant du Parti, le socialisme aux caractéristiques chinoises, les objectifs du double centenaire, la gouvernance par la loi, la lutte contre la corruption, le contrôle de l'armée et l'économie ouverte et maîtrisée. La principale difficulté est de gérer correctement les relations entre le Parti et le marché.

Selon moi, il y a trois informations essentielles qui ont été formulées lors du 19e Congrès du PCC : la Chine restera socialiste, l'économie chinoise aura pour moteur l'innovation et le leadership chinois pèsera fortement dans les coopérations internationales.

People.cn : En Occident, plusieurs critiques et méfiances ont été exprimées par rapport au 19e congrès. Comment évaluez-vous ces opinions ?

Jean-Pierre Raffarin : On a vu s'exprimer en Occident de nombreuses craintes et quelques réserves sur l'affirmation de la puissance de la Chine. Mais, comparé aux Etats-Unis, le gouvernement chinois est beaucoup plus « lisible ».

Aujourd'hui on s'intéresse moins au goût du long terme de la société chinoise, se fixant des objectifs sur une période de trente ans quand l'Occident s'active dans le court terme. Il y a encore de nombreuses incertitudes quant à l'avenir chinois, pourtant une chose est certaine, la Chine est l'un des pays les plus prévisibles au monde.

People.cn : Que vous inspire la promesse du président Xi Jinping quant à l'ouverture de l'économie chinoise ?

Jean-Pierre Raffarin : L'économie chinoise assume son rôle de moteur mondial. A l'intérieur du pays, le cap est mis sur l'innovation, une croissance plus qualitative, le contrôle des secteurs stratégiques et la coopération internationale à partir de ses initiatives. A l'extérieur les investissements de qualité sont privilégiés, pour cela les sorties de capitaux sont contrôlées.

C'est la priorité notamment donnée à l'innovation et la recherche favorisant cette ouverture. L'ambition chinoise n'est pas la suprématie, mais bien la reconnaissance de son rôle et progressivement de son leadership.

People.cn : Dans Certains médias, les Français sont appelés à rester vigilants par rapport aux investissements chinois, alors que vous prônez une plus grande tolérance et considérez la Chine comme une alliée. Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs et investisseurs chinois qui envisagent dans le futur de collaborer avec la France ?

Jean-Pierre Raffarin : Les investissements chinois, bien qu'en hausses, restent globalement faibles par rapport à l'importance des économies chinoise et française. Nos présidents successifs ont tous souhaité la bienvenue aux investisseurs chinois. L'image de l'Hexagone est redorée, par contre celle du Royaume-Uni s'est effondrée depuis le Brexit... La France a là une belle carte à jouer.

Les investisseurs chinois sont des partenaires sur le long terme, avec une ambition d'influence, ce dont on a besoin en France. Il ne faut pas avoir de présomptions négatives sur les actionnaires chinois.

People.cn : Selon vous, de quelles manières l'émergence de la puissance chinoise va-t-elle apporter au monde sa contribution ?

Jean-Pierre Raffarin : La diplomatie chinoise vise le premier rang dans ses domaines prioritaires : le multilatéralisme et le soutien aux organisations internationales, la coopération à l'intérieur du grand projet Une Ceinture, Une Route, l'internationalisation de sa monnaie et les partenariats dans les Pays tiers. La Chine de Xi Jinping, passant progressivement de l'émergence au leadership.

A mon sens, le leadership chinois joue sur le long terme, ce qui lui évitera ‘les voies de conflit et de brutalité'. Dans ce contexte, la grande promesse du leadership à la chinoise, c'est l'équilibre, l'harmonie, c'est à dire pour nous, la paix.

Pour cela, l'Europe doit développer un dialogue stratégique avec la Chine, c'est incontournable. Le vieux continent doit être plus réactif, moins frileux et plus confiant dans ses propres forces.

Propos recueillis par Qian He