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Entretien avec Kenji Ono, chercheur japonais spécialiste du Massacre de Nanjing

le Quotidien du Peuple en ligne | 13.12.2017 16h41
Entretien avec Kenji Ono, chercheur japonais spécialiste du Massacre de Nanjing
Ono Kenji fait des recherches historiques dans sa bibliothèque. Sur son bureau se trouve sa collection de journaux intimes de soldats japonais ayant participé à l'invasion de la Chine. Photo : Liu Junguo, journaliste au Quotidien du Peuple.

« Le 16 ... une partie des prisonniers a été exécutée sur les rives du fleuve Yangtsé ».

« Le 17 ... exécution des 10 000 personnes restantes ».

...

Ces mots terribles font partie d'un journal rédigé il y a 80 ans par un soldat de l'armée d'invasion japonaise du nom de Yoshio Sugano. Il a été découvert par un chercheur japonais, Ono Kenji, qui a commencé en 1988 à rechercher des informations sur les anciens combattants japonais ayant participé au Massacre de Nanjing.

En décembre 1937, les envahisseurs japonais s'emparèrent de Nanjing et y massacrèrent 300 000 soldats chinois qui avaient déposé leurs armes ainsi que des gens ordinaires sans défense. Le 65e régiment d'infanterie, appartenant à la 13e division, constitué de soldats originaires de la préfecture de Fukushima, fut l'une des nombreuses unités impliquées dans le Massacre de Nanjing. Au cours des 30 dernières années, Ono Kenji s'est rendu dans presque tous les coins de la préfecture de Fukushima, interrogé environ 300 soldats du régiment en question ou leurs descendants, compilé plus de 200 témoignages et recueilli 31 journaux de soldats.

« Les preuves du Massacre de Nanjing, ne peuvent pas être falsifiées ». Sur la base de comparaisons et analyses répétées de divers documents, dont des journaux d'anciens soldats de l'armée d'invasion japonaise et d'entretiens directs avec des témoins du massacre, Ono Kenji a démontré que, à compter du 16 décembre 1937, le 65e régiment d'infanterie de la 13e division a exécuté 17 025 Chinois au pied du mont Mufu, sur les rives du fleuve Yangtsé. Au début des années 1990, lorsque l'enquête d'Ono Kenji a été rapportée par les médias japonais, elle a suscité un fort mécontentement au sein de la droite japonaise. Cependant, du fait qu'Ono Kenji s'était basé sur des documents historiques détaillés et ses propres enquêtes auprès de témoins, et après de nombreuses conclusions confirmées, la droite japonaise n'a plus été en mesure de remettre ses affirmations en question et de contester la réalité du massacre.

En 1996, Ono Kenji, Akira Fujiwara et Katsuichi Honda ont conjointement compilé les « Journaux de soldats de la 13e division Yamada de l'armée impériale sur le Massacre de Nanjing », qu'ils ont publiés au Japon. Des experts japonais estiment que ce livre démystifie le Massacre de Nanjing et met fin aux faussetés et mensonges parlant de soi-disant « tirs d'autodéfense » ou affirmant que « le Massacre de Nanjing n'a pas eu lieu », et constitue un document historique précieux sur le Massacre de Nanjing.

Un aperçu du journal de Yoshio Sugano, un soldat japonais de l'armée d'invasion, en date du 13 décembre 1937. Photo : Liu Junguo, journaliste au Quotidien du Peuple.

Quand un journaliste lui a demandé quelle force lui a donné cette ténacité dans la poursuite de son enquête et de ses recherches sur cette question extrêmement sensible et mise en doute au Japon, il a seulement dit que, en tant que Japonais, il voulait découvrir ce qui s'était exactement passé et restaurer la vérité historique sur le Massacre de Nanjing.

Se souvenant des années 1990, quand il avait interviewé un ancien combattant, un homme âgé nommé Tomio Niizuma, il a rappelé : « Tomio Niizuma a réfléchi profondément sur sa propre expérience de participant au Massacre de Nanjing. Il m'a dit : "J'ai commis l'impardonnable, et j'ai été puni par le ciel. Mon fils aîné est mort peu de temps après que j'ai rejoint l'armée, et mon deuxième fils est mort avant moi" ».

Selon un certain nombre de chercheurs japonais, Ono Kenji a un sens profond de la justice. Face à la droite japonaise qui nie le massacre de Nanjing, il espère que, par l'entremise de sa collecte personnelle de documents écrits et de témoignages oraux, la société japonaise pourra tirer les leçons de l'histoire pour éviter que ce genre de tragédie se répète. Selon Ono Kenji, « L'étude du Massacre de Nanjing est un but dans ma vie ».

« La collecte de données historiques, restaurer la vérité sur le Massacre de Nanjing avec des données historiques et faire parler les faits est un travail difficile, mais c'est aussi un combat contre la droite japonaise qui nie le Massacre de Nanjing ». En plus de ses recherches, Ono Kenji a aussi présenté ses résultats au public japonais afin que plus de Japonais puissent comprendre l'histoire du Massacre de Nanjing. Selon lui, parce que chacun de ses mots est non seulement confirmé par des données historiques mais aussi par des témoignages historiques provenant de différentes sources qui les recoupent, la droite japonaise le déteste, mais elle ne peut réfuter ses affirmations.

« Je cours contre le temps pour découvrir les données historiques du massacre de Nanjing ». Selon Ono Kenji, d'une part du fait qu'il vieillit, il ne sera bientôt plus en mesure d'entreprendre des enquêtes et, d'autre part, avec la mort des derniers vétérans japonais, les journaux et autres informations militaires ont aussi commencé à disparaître lentement. S'il ne le fait pas maintenant, il ne pourra plus le faire plus tard, et cela laissera un regret historique permanent.

(Liu Junguo, journaliste au Quotidien du Peuple)

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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