Humanisme en Europe et en Chine : rencontre avec Jean-Robert Pitte (3)

LU : Malgré l'emprise de la culture américaine du XXe siècle en Chine et dans le monde, le peuple chinois est pleinement conscient de la valeur culturelle que le patrimoine européen représente dans le mondde. A votre avis, dans quelle mesure la culture de l'Europe peut être le modèle de la culture chinoise ?

J.R. Pitte: la culture de l'Europe ou plutôt les cultures européennes, dans leur diversité, offrent des pistes intéressantes pour le dialogue interculturel, en particulier avec la Chine qui a fait preuve de beaucoup d'imagination des dernières années et d'une grande ouverture sur le monde. Les échanges économiques ne sont pas un forme suffisante de dialogue; ils doivent s'appuyer sur un dialogue approfondi dans les domaines politique et culturel.

LU : La Chine et la France sont deux pays qui ont un système administratif très centralisé. A votre avis, est-ce qu'il existe quelque chose de comparable dans l'organisation du pouvoir centralisé des deux pays ?

J.P. Pitte : Pour ma part, je les trouve trop centralisés. La décentralisation est excellente et peut porter beaucoup de fruits, à la condition de maintenir des règles en matière de dépenses et d'éviter les dérives personnelles des décideurs locaux.

LU : Selon vous, quelle est le rôle spécifique de la culture française dans la formulation de la culture humaniste de l'Europe depuis la Renaissance ?

J.P. Pitte : La curiosité vis à vis d'autrui, la liberté de croyance, de pensée, d'expression (avec certaines dérives, hélas), le respect de la personne (individuelle), l'État de droit, la fraternité (parfois plus en mots qu'en faits), l'égalité des chances (parfois confondue, hélas, avec l'égalitarisme qui est catastrophique).

LU : A vos yeux, dans quelle mesure, l'Univeristé Paris-Sorbonne et l'Institut de France créé par le cardinal Richelieu au XVII e siècle peuvent devenir le centre et le noyau de la culture européenne et l'emblème culturel pour la Chine dans l'avenir ?

J.-R. PITTE : En approfondissant les valeurs que je viens d'énumérer à la question précédente. Ce travail doit s'appuyer sur toutes les disciplines relevant des humanités. Les professeurs et les chercheurs ont le devoir de communiquer dans un langage clair le résultat de leurs réflexions afin d'aider l'ensemble de la société à progresser dans l'ouverture au monde et l'humilité.

(Madame LU Wan Fen, fondatrice du projet « l'Humanisme en Europe et en Chine » a contribué à cet article.)