Dernière mise à jour à 14h32 le 02/11
Rentrée des cinq Académies ©Sabine de Rozières |
(Mme. Lu Wanfen et M. Louis de Genouillac ont contribué à cet article.)
Séance des cinq Académies
Le 27 octobre a eu lieu sous la coupole de l'Institut de France la séance solennelle de rentrée des cinq Académies. La séance a été présidée par l'architecte Aymeric Zublena, président de l'Institut, président de l'Académie des beaux-arts. La séance solennelle de rentrée des cinq Académies a lieu tous les ans le mardi le plus proche du 25 octobre, date de la création de l'Institut de France en 1795. Cet évènement est l'occasion pour l'Institut « où tous les efforts de l'esprit humain sont comme liés en un faisceau » (Ernest Renan, 1867) de réaffirmer ses valeurs et son rôle dans le perfectionnement et la diffusion des savoirs. Un délégué de chacune des Académies y prononce un discours sur un thème choisi collégialement. Le thème de cette année porte sur « la transmission ».
L'Institut de France et ses missions
Composé de cinq académies - l'Académie française (fondée en 1635), l'Académie des inscriptions et des belles-lettres (1663), l'Académie des sciences (1666), l'Académie des beaux-arts, l'Académie des sciences morales et politiques (1795), l'Institut de France rassemble les meilleurs talents distingués dans toutes les disciplines des sciences, des lettres et des arts. M. Gabriel de Broglie est chancelier de l'Institut de France depuis le 1er janvier 2006. Il a succédé à Pierre Messmer (1916–2007). Selon M. de Broglie, « l'Institut de France est façonné par son histoire, fruit d'une clairvoyance dont le ressort est le croisement de disciplines. Cette singularité, loin de l'éloigner de l'actualité, de ses débats et des controverses, renforce sa position d'acteur d'indépendant, non tributaire des effets d'urgence ou des agendas médiatiques. »
L'année 1688 marque l'achèvement de la construction du Collège des Quatre-Nations, aujourd'hui Palais de l'Institut de France. En 1805, les anciennes académies réunies en classes au sein de l'Institut de France quittent le Louvre pour l'ancien Collège des Quatre-Nations qui lui fait face. Le Palais de l'Institut classé monument historique en 1862 ouvrent sur l'ensemble parisien des rives de la Seine. L'Institut de France fête son 220e anniversaire en 2015. Il rassemble 173 collaborateurs et compte 660 membres. Il est une des plus anciennes et plus prestigieuses institutions à pratiquer le mécénat et à gérer des dons et legs. Depuis deux siècles, il abrite des fondations et attribue des prix jouant un rôle incomparable dans le mécénat moderne. 200 fondations sont abritées à l'Institut et elles sont intervenues dans 49 pays à travers le monde, en 2013-2014. De juin 2014 à juin 2015, 19, 75 millions d'euros ont été distribués par les fondations de l'Institut de France en prix, subventions et bourses. En 2017, l'Institut de France inaugurera son nouvel auditorium qui contiendra 350 places. L'Institut est également propriétaire d'un important patrimoine artistique, constitué de demeures et de collections exceptionnelles qui lui ont été léguées depuis la fin du XIXe siècle.
Les discours de la séance
Comme chaque année, le président de la séance rend hommage aux membres de l'Institut qui ont disparu pendant l'année. D'une certaine manière, ce discours qui commémore les membres défunts rejoint le thème de chaque année. Dans son discours, M. Zublena évoque l'idée et les phénomènes de la crise de transmission qu'il associe à celle de l'institution. Il remet en cause, par là même, l'idée de l'individu et ses rapports avec la notion de hiérarchie. Néanmoins, il confirme sa conviction : « La fonction essentielle du « Maître » subsistera ». Son discours trace ainsi, avec pertinence, l'orientation générale et dessine l'unité intrinsèque des discours prononcés pendant la séance.
Rémi Brague, philosophe, délégué de l'Académie des sciences morales & politiques, énonce le discours intitulé « Transmission et transcendance ». Selon lui, il y a dans la communauté humaine deux paradigmes de la transmission : l'un, biologique, de la génération et l'autre, conventionnel, du langage. On passe ainsi d'une nature humaine toujours identique à l'apparition de cultures singulières.
Dans son discours intitulé « l'Art ne s'enseigne pas, il se transmet », le graveur Erik Desmazières, délégué de l'Académie des beaux-arts, souligne : « la transmission passait non seulement par les exercices pratiques, mais beaucoup par la parole du maître et par son ascendant sur les élèves, mais elle s'exerçait aussi d'un élève plus ancien à un plus jeune. » L'acte de création se transmet par l'apprentissage et la pratique, dans une relation de maître à élève.
Dans son discours « La transmission génétique », Jean-Louis Mandel, délégué de l'Académie des sciences présente, par le biais des sciences, des grandes questions existentielles : d'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?
Délégué de l'Académie des inscriptions et des belles-lettres, le latiniste et historien de la littérature Pierre Laurens relève que l'héritage culturel qui a profondément façonné l'âme européenne, menacé aujourd'hui, reste l'objet d'une redécouverte – qui exige courage, persévérance et vraie force vitale et s'est apparentée dans le cas des œuvres de l'Antiquité à une véritable conquête contre l'oubli.
Danièle Sallenave, romancière et essayiste, déléguée de l'Académie française, insiste, dans son discours intitulé « Faire le pari de la transmission », sur le fait que transmettre est une exigence morale inscrite dans la succession des générations. Face aux forces négatives du rejet, de la défiance et de la peur, elle nous exhorte à faire généreusement le pari de la transmission.
Ces discours si riches qui abordent l'idée de la transmission avec tant de précisions et de pertinences illustrent pleinement la cohérence intrinsèque des valeurs morales, artistiques, sociales, scientifiques que l'Institut de France cherche à explorer et à faire perdurer dans des champs d'action très divers.
Le thème de « la transmission » incarne ainsi pleinement la mission de l'Institut de France et il entre en parfaite résonance avec les désirs qui traversent la société contemporaine.
(Mme. Lu Wanfen et M. Louis de Genouillac ont contribué à cet article.)