Dernière mise à jour à 08h52 le 29/12
Depuis les 70 ans qui ont suivi la défaite nazie lors de la Seconde Guerre mondiale, le droit d'auteur a été utilisé en Allemagne pour interdire la publication de « Mein Kampf » -le tristement célèbre pamphlet antisémite dans lequel Adolf Hitler expose son idéologie. Mais les choses vont changer à compter du mois de janvier, quand une nouvelle édition avec un commentaire critique, produit du travail de plusieurs années d'un institut financé par l'État, arrivera sur les étagères allemandes. Ce sera une première pour l'Allemagne, mais des traductions cet ouvrage sont disponibles depuis de nombreuses années dans plusieurs pays sur lesquels l'Allemagne n'a pas le contrôle du droit d'auteur, et il est facilement accessible sur Internet.
Si les historiens disent que cette publication pourrait aider à combler une lacune dans les connaissances qu'ont les Allemands d'aujourd'hui de cette époque, les associations juives sont méfiantes et les autorités allemandes ont clairement fait savoir qu'elles n'accepteraient jamais la moindre nouvelle publication de « Mein Kampf » sans annotations. Selon le droit allemand, les droits d'auteurs expirent à la fin de la 70e année après la mort de l'auteur -dans le cas présent le 30 avril 1945, date du suicide d'Hitler dans un bunker de Berlin cerné par l'armée soviétique. En clair, cela veut dire que le Ministère des finances de l'Etat de Bavière, qui détient ces droits d'auteur, ne peut plus les utiliser pour empêcher la publication de l'œuvre au-delà du 31 décembre.
Hitler a écrit « Mein Kampf » -ou « Mon combat » - après avoir été emprisonné en 1923 suite à une tentative de coup d'Etat ratée connue sous le nom de putsch de la brasserie, et des millions d'exemplaires ont été imprimés après la prise de pouvoir par les nazis en 1933. Le livre expose au fil de ses pages l'idéologie ultranationaliste, antisémite et anti-communiste d'Hitler pour son Parti national-socialiste allemand des travailleurs, ou parti nazi, diffusant aussi au passage l'idée d'une guerre de conquête en Europe orientale.
« Le livre ne doit pas être sous-estimé en tant que source historique et aussi comme clé pour comprendre l'histoire du national-socialisme », a déclaré le directeur de l'institut de Munich, Andreas Wirsching, avant la publication de la nouvelle édition à la mi-janvier. Point de vue confirmé par Sven Felix Kellerhoff, journaliste au quotidien Die Welt et historien qui a lui-même écrit sur « Mein Kampf ». « Parmi les historiens sérieux en Allemagne, vous n'en trouverez pas un qui soit contre une édition commentée et qui n'en ait pas demandé une depuis des années. Et cela va des conservateurs à la gauche ». Quant à l'opinion juive allemande, elle varie, certains l'approuvant, comme le chef du Conseil central de l'Allemagne des Juifs, Josef Schuster, d'autres étant plus critiques, comme Charlotte Knobloch, une survivante de l'Holocauste qui dirige la communauté juive de Munich, qui fait confiance à l'expertise des chercheurs de l'Institut, mais qui doute de l'efficacité de leur démarche.
Il est néanmoins probable que la nouvelle édition de « Mein Kampf », qui sera élargie à près de 2 000 pages avec les commentaires de l'Institut de Munich -environ le double de la longueur de l'original- ne sera pas le succès de l'année. Avec un tirage de 4 000 exemplaires, il en coûtera 59 Euros pour le lire. Il n'y aura pas d'e-book, la mise en page de l'édition ne pouvant pas être adaptée à ce format, mais les éditeurs réfléchissent à une édition en ligne, peut-être en 2017. Tous les profits iront à des œuvres de charité.