Dernière mise à jour à 08h36 le 12/05
"La Chine m'a assouplie", affirme Christine Cayol, fondatrice de Yishu 8 à Beijing, lors d'une interview accordée mercredi à Xinhua à l'occasion de la sortie de son nouveau livre "Pourquoi les Chinois ont-ils le temps ?".
Cette philosophe de formation, qui vit depuis 15 ans à Beijing, a voulu parler de son expérience de vie entre les deux continents : "Si on ne se rend pas compte des différences qui existent entre les cultures chinoise et française, alors on est à contretemps dans les relations personnelles et professionnelles", confie-t-elle à Xinhua dans le salon de la marque de luxe Guerlain sur les Champs-Elysées, où se tient la séance de dédicace pour son livre.
Comme Christine Cayol le raconte dans son livre, son apprentissage du temps chinois s'est fait "douloureusement" : "J'ai été obligée d'évoluer très tôt dans mon rapport au temps lorsque je suis arrivée en Chine car, ce que j'appelais moi 'au dernier moment', la veille pour le lendemain, était en fait la façon de vivre des Chinois et j'avais alors soit le choix de me rebeller, soit d'accepter. Désormais, le rythme temporel chinois influence mon rythme en France, j'ai l'impression d'avoir plus de flexibilité."
Cet ouvrage tente de répondre à des questions que tout le monde se pose, que ce soit en Occident ou en Chine, et donne des pistes utiles et efficaces pour faire du temps un allié et non plus un ennemi : "Je me suis inspirée de Tchouang-tseu, du taoïsme, ainsi que de discussions avec des artistes pour écrire ce livre qui tend plus vers une approche pratique que philosophique", explique-t-elle.
"Le temps invisible est très important en Chine, alors que pour des Occidentaux, le temps c'est de l'action, c'est de l'argent, ne rien faire c'est perdre son temps", souligne Christine Cayol. Pour elle, la différence fondamentale dans le rapport au temps entre un Français et un Chinois réside dans "le rapport au contrôle". "Un Français va avoir tendance à quantifier le temps, à vouloir le maîtriser alors qu'un Chinois va être davantage dans le ressenti, laisser faire les choses, être plus confiant."
"Le message du livre c'est l'apaisement, c'est montrer comment jongler avec plusieurs temps comme un nageur évolue dans différents courants. On comprend la fluidité, la souplesse propre au temps chinois", déclare Sylvie, lectrice.
Les Chinois, dotés d'une "capacité d'observation unique" selon Christine Cayol, vivent une accélération inégalée, puisant dans leur culture traditionnelle "une discrète sagesse du temps". Si les Occidentaux peuvent apprendre de cette approche plus spirituelle du temps, les Chinois eux, gagneraient à davantage aller dans la "profondeur des sujets" selon Christine Cayol : "Les Chinois sont d'une grande habileté, d'une grande agilité et vont très vite notamment via les technologies digitales. Or, la Chine a besoin de renouer avec sa propre culture du temps lent, du vide", insiste-t-elle.
"Quand je vois encore des gens dans les parcs qui promènent leurs oiseaux, qui font voler des cerfs-volants ou qui font des exercices physiques, je me dis que les Chinois sont toujours connectés à une certaine lenteur propre à leur culture", estime-t-elle.
Avec la mondialisation, la Chine s'ouvre au monde et le monde s'ouvre à la Chine, juge l'auteur. Une ouverture à laquelle prend part la marque française Guerlain depuis plusieurs années, à travers divers projets de collaboration, notamment avec la marque franco-chinoise Cha Ling, souligne le PDG de Guerlain, Laurent Boillot, lors de la dédicace : "J'ai connu la Chine à travers les affaires puis, j'ai fait des rencontres plus personnelles de Chinois et de Français travaillant là-bas." Le PDG se dit "fasciné" par la Chine, un pays qui l'intéresse "énormément". "C'est toujours un plaisir pour moi d'y retourner et je constate un intérêt croissant des Chinois pour leur propre culture. Ils ont tous les ingrédients pour créer leurs propres marques de luxes : le savoir-faire, la main d'oeuvre et le temps", explique-t-il à Xinhua.