Dernière mise à jour à 16h01 le 03/04
Lycée et université : en route vers la lumière
J'étais dans un lycée de campagne. Pour augmenter nos chances de succès, le service de l'éducation de notre district a sélectionné par concours les meilleurs élèves de tous les lycées de campagne pour suivre un cours intensif pendant six mois au chef-lieu du district afin de les préparer à passer le concours d'entrée à l'université. J'étais parmi eux et cette année-là, à l'âge de quinze ans, en 1980, j'ai été admis à l'Université du Sud-Ouest à Chongqing.
Quand j'ai eu 18 ans, en troisième année de l'université, je faisais une visite au Parc du toit d'argent, le seul parc urbain de tout le district à l'époque ! C'était presque un pèlerinage, je montais marche par marche le long de la rue Zhongmalu. Les arbres vieux de plusieurs siècles, les inscriptions sculptées sur les murs de pierre donnent un sentiment de quiétude et de poésie. En arrivant au sommet, la vision s'éclaire, on voit loin, très loin. A ce moment-là, je me suis rappelé mes six mois de dur travail derrière ce parc, ces six mois qui ont contribué à changer mon destin et à me faire avancer un peu plus sur le chemin de la lumière de ma vie. J'avais de plus en plus de confiance en mon avenir.
Chaque fois que je pense à mon pays natal, je me rappelle les collines de ce parc, la vision vers le lointain et les marches de la rue Zhongmalu remplies de tant de souvenirs.
Ma mère et ma famille : l'origine de ma lumière
La Chine a connu quatre décennies de développement ultra rapide. Au début de mon séjour en France, en 1985, la Chine était pauvre, et moi encore plus. Je ne pouvais pas rentrer en Chine tous les ans. Maintenant, la situation est améliorée. Je peux retourner en Chine plusieurs fois par an, pour un déplacement professionnel ou pour un voyage d'agrément me permettant d'aller voir ma mère et ma famille.
Quand mon séjour coïncide avec le festival du bateau/dragon ou de la mi- automne, je reviens à Paris avec des gâteaux de lune, de riz gluant et des saucisses, tous faits à la maison par ma mère et mes sœurs. Ces saveurs authentiques perdurent et alimentent le souvenir de ma famille et de mon pays natal.
En 2015, ma mère a fêté ses quatre-vingts dixièmes anniversaires. Je suis allé la voir avec mon fils de 14 ans. A cette occasion, j'ai écrit un sketch pour exprimer notre gratitude à notre mère, à notre grand-mère, à notre arrière-grand-mère et à notre arrière-arrière-grand-mère. J'ai pu jouer ce sketch avec ma nièce, qui était lycéenne à Singapour à l'époque.
Ma mère est la lumière pour moi. Elle m'éclaire toujours sur ce chemin sur lequel j'avance dans ma vie.
La langue et la culture : la racine de la lumière
A la fin de mes études universitaires, j'ai réussi le concours sélectionnant les étudiants envoyés à l'étranger avec une bourse. Mon département de l'Université du peuple de Chine disposait d'une seule place pour la France, elle m'a été attribuée. Alors, avant d'être envoyés en France, les cent trente étudiants sélectionnés (aujourd'hui ils sont des milliers à venir en France) qui venaient de toutes les provinces de Chine, ont été regroupés et nous avons suivi pendant six mois un cours intensif de langue française. Je suis arrivé en France en 1985. Tout d'abord à l'Université de Toulouse, où j'ai obtenu mon DEA (diplôme d'étude approfondie) et ensuite je suis venu à Paris, pour suivre pendant trois ans, les cours de l'Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique. En 1990, j'ai réussi à me faire embaucher à la SNCF, ce qui a enraciné ma vie en France.
Mon environnement de travail étant entièrement français, toute la journée, je n'avais pas l'occasion de pratiquer ma langue maternelle. Petit à petit, je commençais à perdre mon habitude du chinois. A cette époque, il n'y avait pas Internet, et les livres et magazines en chinois étaient très rares à Paris. Je chérissais toutes les occasions qui m'étaient donné de parler chinois.
En 2000, je suis allé au Kazakhstan pour un déplacement professionnel. Le dernier jour, j'ai rencontré des compatriotes du ministère chinois des chemins de fer. Ce jour-là, j'étais tellement ému de pouvoir parler chinois que les larmes me sont venues aux yeux. Lorsque nous nous sommes séparés, ils m'ont laissé tous leurs livres et leurs magazines en chinois qui avaient pour moi le parfum de la patrie natale.
La langue est le vecteur de la culture. Lorsque nous Chinois, vivons hors de Chine, nous éprouvons une nostalgie profonde de notre pays natal et la communication dans notre langue maternelle anime un fort sentiment d'appartenance culturelle incrusté dans le pays d'accueil où nous vivons.
Le chemin vers la lumière : une quête de la vie
Le temps a passé, les choses ont changé. La Chine d'aujourd'hui n'est plus ce qu'elle était. Elle a fait de grands progrès pour rattraper des pays occidentaux. Avec le développement d'Internet et l‘apparition de WeChat, Paris est en synchronisé avec la Chine, on vit enfin au même rythme. On n'a plus besoin de se soucier de ne plus avoir l'occasion de parler et d'écrire chinois. J'ai créé mon propre compte public WeChat. Mes publications essaient d'exprimer les émotions des moments de la vie et surtout de partager les merveilles de la vie à Paris, en France et en Chine.
A Paris, chacun peut le constater, il y a beaucoup de chinois et surtout beaucoup d'étudiants chinois. Des restaurants chinois authentiques fleurissent partout, on n'a plus de soucis pour trouver un restaurant au goût de mon pays natal le Sichuan.
De l'obscurité vers la lumière, de très loin vers ici de tout près, Paris est devenu mon pays ! Je vis heureux à Paris, la ville de la lumière et des merveilles. Depuis mon collège, j'ai trouvé mon chemin vers la lumière et c'est une quête de toute ma vie.
( A propos de l'auteur : Ingénieur, Ni Jincheng est président d'honneur de l'Association des Ingénieurs Chinois en France. Il est aussi chargé de mission pour le Département Développement durable et numérique du gouvernement français. )