Dernière mise à jour à 09h55 le 21/05
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Le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda a remporté la Palme d'Or du 71e Festival de Cannes pour son superbe «Shoplifters», l'histoire d'une famille de voleurs et de marginaux vivant en marge de la société au Japon.
Hirokazu a accepté le prix, la plus haute distinction du festival, à la fin d'un événement sobre qui a été secoué par le discours incendiaire de la réalisatrice italienne Asia Argento, un réquisitoire fracassant délivré au festival et à l'industrie cinématographique depuis la scène. «En 1997, j'ai été violée par Harvey Weinstein ici à Cannes. J'avais 21 ans. Ce festival était son terrain de chasse», a déclaré Asia Argento, qui a prédit qu'il ne serait plus jamais accueilli ici par une communauté du cinéma qui l'a naguère encensé et donné du pouvoir. La féroce et inébranlable cinéaste italienne a ajouté qu'il y avait des personnes dans l'auditorium qui devaient être tenues responsables de leur conduite envers les femmes. «Vous savez qui vous êtes», a-t-elle dit, «mais surtout, nous savons qui vous êtes, et nous ne vous laisserons pas vous en sortir plus longtemps».
L'auditoire abasourdi a répondu par des applaudissements discrets. Ce fut un moment fort qui s'est produit une semaine après que 82 femmes -représentant le petit nombre de films de réalisatrices qui ont participé au festival au fil des ans- se soient rassemblées sur le tapis rouge pour dénoncer l'inégalité entre les sexes dans l'industrie. Spike Lee a remporté le Grand Prix, le deuxième prix du festival, pour «BlacKkKlansman», un drame galvanisant basé sur l'histoire étrange et vraie d'un détective noir qui a infiltré le Ku Klux Klan dans les années 1970 et est également une mise en accusation du président Donald J. Trump. Spike Lee a reçu certaines des critiques les plus fortes de sa récente carrière pour ce film. En acceptant son prix, il a dit que lorsque les journalistes l'interrogent sur le climat politique actuel, il invoque le titre du film de Peter Weir «The Year of Living Dangerously» («L'année de tous les dangers»).
Le jury dominé par les femmes pour la compétition principale était dirigé par l'actrice australienne Cate Blanchett. Pour la première fois dans l'histoire du festival, le jury a remis une Palme d'Or spéciale, qui a été décernée à Jean-Luc Godard, qui était absent, pour son film «Le Livre d'images». Kate Blanchett a salué le film pour avoir «étiré les limites» de la forme d'art et «défini et redéfini le cinéma». Le prix du jury -le troisième prix- a été décerné à «Capharnaüm», une histoire d'un garçon de 12 ans abandonné, par la réalisatrice libanaise Nadine Labaki. Le cinéaste polonais Pawel Pawlikowski a été élu meilleur réalisateur, pour «Cold War», qui suit deux amants de la fin de la Seconde Guerre mondiale dans les années 1960 à travers les pays et les réalités politiques changeantes.
Le prix du scénario a été partagé entre «Heureux comme Lazzaro» de la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher et «3 visages» du réalisateur iranien Jafar Panahi, interdit de présence à Cannes par son pays, tout comme le cinéaste russe Kirill Serebrennikov. Samal Yeslyamova a remporté le prix de la meilleure actrice pour sa performance dans le film «Ayka» de Sergey Dvortsevoy. Le prix du meilleur acteur a été décerné à Marcello Fonte, pour son rôle dans «Dogman» de Matteo Garrone. Ayant d'abord semblé touchant et hésitant à accepter le prix, encouragé par les présentateurs, il céda finalement et reçut sa récompense. Ce fut l'un des rares moments joyeux d'un festival qui se souviendra moins de ses prix que de la politique qu'ont apportée les femmes, l'une après l'autre au festival, sur le tapis rouge et à côté.