Depuis près de deux mois, les enquêtes menées par le gouvernement chinois en matière de monopoles sur les prix est en passe de devenir un des sujets les plus discutés à l’intérieur du pays comme à l'étranger, et il n’y a pas qu’un certain nombre de lobbies commerciaux internationaux qui s’en plaignent ; les gouvernements de certaines puissances occidentales ont également commencé à se mêler à cette affaire. Selon le Wall Street Journal du 15 septembre, Jacob Lew, Secrétaire au Trésor des Etats-Unis a en effet récemment envoyé une lettre au vice-Premier ministre chinois Wang Yang ; selon ceux qui ont pu prendre connaissance du contenu de la lettre, celle-ci contient une mise en garde disant que la série d'enquêtes anti-monopoles conduites par la Chine à l’encontre des entreprises étrangères pourrait avoir un impact sérieux sur les relations sino-américaines. Toutefois, les entreprises à capitaux étrangers en Chine peuvent-elles vraiment devenir des sortes de « zones administratives spéciales » s’affranchissant des lois anti-monopole chinoises ? La réponse est non !
Dans le monde, plus de 100 pays ou régions ont adopté des lois anti-monopoles qui, dans les économies de marché matures se sont vues qualifiées de « constitution économique ». A l’instar de la réglementation antitrust des autres grandes économies, les dispositions de la « loi anti-monopole » chinoise définissent le comportement monopolistique par les trois critères suivants : un accord de monopole conclu par les acteurs du marché ; un abus de position dominante sur le marché de leur part ; une concentration des acteurs ayant pour effet d’exclure ou de pouvoir restreindre la concurrence.
La position dominante de monopole sur un marché provient généralement d’avantages en matière de circulation ou de production ; du fait d’un système de propriété intellectuelle moderne de plus en élaboré, mais aussi de plus en plus partial, un nombre croissant d'entreprises monopolistiques ont commencé à utiliser ce puissant système de propriété intellectuelle pour créer et préserver leur monopole. Elles engrangent des profits aussi élevés que prédateurs, s’opposent à la concurrence, ne s'engagent pas dans l'innovation, mais en même temps ne permettent pas aux concurrents d'acquérir un avantage concurrentiel en matière d'innovation ; ce genre d’aléa moral est devenu le principal effet du système moderne de la propriété intellectuelle, et a fait de la Chine, première puissance manufacturière du monde, la principale victime des entraves mises par les grandes sociétés multinationales aux brevets.
La société qui a le plus d’impact en la matière est Qualcomm Incorporated, une entreprise américaine, avec un système de droits brevets recourant aux prétextes les plus divers pour se comporter comme une véritable sangsue. La société affirme que du fait de l’établissement en mars 2001 de son modèle commercial de « vente de brevets » concernant les trois normes internationales de communications mobiles de troisième génération (3G), toute entreprise engagée dans la production et la vente liées à la 3G, doit signer un contrat de licence de brevet avec Qualcomm. Cette entreprise ne vend que des puces pour téléphones mobiles, mais depuis de nombreuses années, elle exige des redevances représentant un certain pourcentage du prix de l'ensemble du terminal ; donc, depuis l'écran, la coque, la batterie, la caméra, les écouteurs …et même jusqu’aux diamants incrustés dans le téléphone, tout cela donne lieu à la perception de redevances pour la puce de Qualcomm.
En conséquence, non seulement à cause de cela le consommateur paye un prix élevé, les deux types de normes de téléphonie mobile 3G WCDMA et CDMA2000 ont aussi vu leur prix augmenter de 200-300 Yuans, mais en plus les fabricants de téléphones mobiles chinois ont également dû utiliser la moitié de leurs bénéfices faits dans la 3G pour payer des redevances à Qualcomm, ce qui a eu pour conséquence de diluer plus encore leurs maigres profits. L’industrie chinoise du téléphone mobile risque de devenir une « fleur aux fruits amers », Qualcomm a fait 49% de son chiffre d'affaires en Chine, avec des bénéfices en hausse de 60%. En 2013, elle possédait 54% du marché mondial des puces de téléphone mobile, d'une valeur de 123 milliards de Dollars US.
Ce genre de comportement monopolistique a fait payer un lourd tribut aux consommateurs et aux entreprises étrangères à ces pratiques monopolistiques. Les pays en développement sont aussi concernés par la lutte contre les monopoles mis en œuvre par ces cartels internationaux (groupes d'intérêts monopolistiques), parce que ceux qui ont été sanctionnés pour pratiques monopolistiques se ont globalement grandi en même temps sur les marchés développés et en développement, et c’est sur ces derniers qu’ils obtiennent leurs rendements prédateurs les plus élevés. Mais cette lutte contre les pratiques monopolistiques, les enquêtes et la perception d’amendes, qui a pris de l’ampleur depuis quelques années, a surtout lieu dans les pays développés, et les milliards de Dollars, voire les dizaines de milliards de Dollars d'amendes ont alimenté la trésorerie des gouvernements européens et américains, alors que les pays en développement impliqués et qui ont subi de graves dommages n’ont eux perçu aucune indemnité, même si les organismes antitrust des pays développés, quand ils fixent les amendes frappant ces géants multinationaux, les déterminent en fonction de leurs revenus dans le monde entier.
Tout comme pour les autres organismes de régulation, la lutte contre les monopoles est une sorte de chasse qui ne cesse de gagner en importance, un combat sans fin. En elles-mêmes, les lois sur la concurrence occupent une place relativement élevée parmi les lois et règlements économiques, elles exigent une main-d'œuvre, des ressources financières et un soutien puissants pour leur mise en œuvre et pour passer de la théorie à la pratique. Dans les pays en développement, les autorités de régulation, ces « chiens de garde » n’en sont qu’à leurs balbutiements, leur réglementation n’est généralement pas aussi bonne que celles des « chiens de chasse » étrangers, leur sens de l'odorat n’est pas aussi sensible. Mais ce n’est pas le cas de la Chine, un pays aussi grand, deuxième économie du monde, première puissance manufacturière et commerciale ; ce n’est qu’une question de temps pour que les régulateurs chinois, ces « chiens de garde » rattrapent les « chiens de chasse » occidentaux : depuis le début de l'année 2013, de l’affaire des écrans LCD à la récente tempête anti-monopole, tout nous montre que ce mouvement est en cours.