Dernière mise à jour à 08h38 le 11/11
La Chine vient de présenter son 13e Plan quinquennal pour le développement économique et social national, prévoyant une croissance "moyenne à élevée" pendant les cinq prochaines années.
Cette croissance "moyenne à élevée", formulée sur fond de "nouvelle norme" caractérisée par une croissance économique moins rapide mais plus saine, devrait aider la Chine à réaliser son objectif de doubler son PIB et le revenu par habitant par rapport aux niveaux de 2010 et à relever le défi d'échapper au "piège du revenu intermédiaire".
QU'EST-CE QUE LE PIEGE DU REVENU INTERMEDIAIRE?
Le piège du revenu intermédiaire fait référence aux pays en développement qui voient leur forte croissance se stabiliser, puis stagner après avoir atteint le fameux palier de revenu moyen.
Ce piège se referme souvent lorsqu'une économie jusqu'ici basée sur une forte main d'oeuvre productive à bas salaire voit sa compétitivité reculer en raison de salaires devenus plus élevés. Résultat : elle est coincée entre des économies émergentes en phase de croissance et des pays développés dont elle n'a pas encore le même le niveau technologique.
Pour les pays en développement, il est ainsi censé être difficile de faire passer le PIB par habitant de 3.000 dollars à 10.000 dollars. Selon des études de la Banque mondiale, parmi les 101 pays à revenu moyen que comptait la planète en 1960, seulement 13 sont parvenus au rang des pays à revenu élevé avant la dernière crise financière mondiale.
La Chine, qui est devenue un pays à revenu intermédiaire après que son PIB par habitant a dépassé 5.000 dollars en 2012, avant d'atteindre 7.500 dollars en 2014, est actuellement confrontée au risque de traverser cette phase.
Comme l'a montré l'expérience internationale, l'enjeu d'éviter le "piège du revenu intermédiaire" ne tient pas à fixer un rythme de croissance à l'aveuglette, mais plutôt à définir un développement économique stable et de qualité.
Avec 1,3 milliard d'habitants, la Chine est à la fois le plus grand pays en développement et la deuxième plus grande économie du monde. Pour elle, passer ce cap en douceur est non seulement nécessaire au bien-être du peuple chinois et à l'avenir du pays, mais revêt aussi une importance capitale pour l'économie asiatique et mondiale.
A cet égard, la direction chinoise a multiplié les prises de position sur l'importance qu'il y avait à surmonter ce défi. "Pour la Chine, le 'piège du revenu moyen' est une phase à laquelle elle devra certainement faire face. Ce qui compte, c'est de savoir quand et comment s'y prendre par la suite pour aller de l'avant", a fait remarquer le président chinois Xi Jinping lors du 22e sommet du forum de Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en novembre 2014.
Pour réussir, la croissance économique chinoise ne devra pas être inférieure à 6,5% entre 2016 et 2020. D'après certains économistes, tant que le taux de croissance annuel de la Chine se maintiendra à 6,5% et que le taux de change du renminbi (RMB) restera stable, le PIB de la Chine en 2020 devrait être mesure de franchir 14.500 milliards de dollars, soit un revenu par habitant supérieur à 10.000 dollars, permettant ainsi à la Chine à figurer au rang des pays à revenu élevé.
EN QUOI CONSISTE UNE CROISSANCE MOYENNE A ELEVEE?
Le 13e Plan quinquennal prévoit une croissance "moyenne à élevée", qui serait de 6,5%, alors que ce taux a pu atteindre deux chiffres dans les années précédentes.
En réalité, au cours des trois premiers trimestres 2015, l'économie chinoise a connu une croissance de 6,9% en rythme annuel, soit son niveau le plus bas en six ans. C'est la première fois que le taux trimestriel passe sous la barre des 7% depuis le deuxième trimestre 2009.
Plusieurs points sont à apporter pour éclairer ce ralentissement.
"Malgré le fait que la croissance économique est à la baisse, une croissance autour de 7% s'avère un niveau élevé dans le monde", observe Hu Angang, directeur du Centre d'études sur la Chine à l'Université Tsinghua de Beijing. Durant le 13e quinquennat, le développement économique de la Chine se fera sur fond de "nouvelle norme", c'est-à-dire une nouvelle phase de développement, et non de stagnation ou de croissance faible, ajoute-t-il.
Cette opinion trouve un écho à l'étranger. Pour Livio Ribeiro, économiste à la Fondation Getulio Vargas au Brésil, bien que la Chine ait accusé un ralentissement ces deux dernières années, les bases de son économie se sont déjà considérablement développées. Par conséquent, un rythme annuel de 7% aura un impact sur l'économie mondiale encore plus grand par rapport à celui qu'a pu avoir une croissance de 10% en 2005.
"La Chine est un marché colossal avec une population de près de 1,4 milliard d'habitants. Même s'il s'agit de commandes de repas en ligne ou bien de salons de manucure, l'ampleur de leur marché est susceptible de dépasser celle de l'industrie automobile d'un petit pays", a commenté le magazine britannique The Economist.
En outre, cette croissance moyenne à élevée répond à la nécessité de rechercher à la fois une expansion quantitative, mais plus important encore, une amélioration qualitative dans le développement des cinq prochaines années en Chine.
"Le mode de croissance est vraiment en train de passer d'une économie tournée vers l'investissement et l'exportation à une économie tournée vers la consommation intérieure et les services, conduisant à une croissance moins rapide mais plus saine", estime M. Ribeiro.
Pour Yu Bin, directeur du département de recherche en macroéconomie au Centre de recherche sur le développement du Conseil des Affaires d'Etat, la Chine doit rompre avec la poursuite d'un rythme de croissance irréaliste et trouver un équilibre entre croissance soutenue et ajustements structurels.
Une croissance moyenne à élevée implique une restructuration industrielle axée sur l'innovation, qui doit se faire par la biais d'un développement vers la chaîne industrielle en amont et d'une recherche de produits de haute technologie et à forte valeur ajoutée, souligne M. Yu.
A l'échelle planétaire, une telle croissance stable et durable en Chine devrait continuer à alimenter l'économie mondiale. "La Chine est un moteur-clé de l'économie mondiale (...) Le nouveau plan quinquennal chinois aura une importance cruciale pour le monde et la trajectoire de l'économie mondiale", prédit l'universitaire et sinologue français Pierre Picquart.
Par Huang Jian