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Moganshan est un miroir du développement de la société chinoise

Xinhua | 19.09.2017 08h32

La montagne Moganshan se trouve à 200 km au sud-ouest de Shanghai. Pour y aller, il fallait deux jours en 1894, 26 heures en 1906, 10 heures en 1926 et aujourd'hui, grâce au train à grande vitesse et à la voiture, il ne faut plus que deux heures et 20 minutes.

C'est ce que montre l'exposition "l'histoire du transport de Moganshan" présentée dans une ancienne gare routière au pied de la montagne. Les archives, les vieilles photos et les articles de journaux d'époque qui y sont exposés ont été donnés par Christophe Pérès, un Français qui a vécu 19 ans en Chine.

"On a fait beaucoup de recherches sur l'histoire de Moganshan. Dans le monde entier j'ai acheté beaucoup d'archives, de photos, d'articles de journaux pour vraiment comprendre l'histoire de Moganshan", explique M. Pérès.

"C'est ça qui est intéressant. On a trouvé beaucoup d'articles dans les médias anglais, français et américains. On se posait la question : Moganshan c'est tellement petit, comment se fait-il qu'il y a autant d'archives, autant d'articles sur Moganshan?"

"Au bout d'un moment on a réalisé qu'à l'époque c'était une montagne où il y avait 500 maisons, et à la même époque Xujiahui, à Shanghai, c'était la campagne, il n'y avait rien. Dans les années 1930, Moganshan était un endroit très important où il y avait une grosse activité. Tous les gens importants, les politiciens, les hommes d'affaires venaient à Moganshan pendant l'été."

M. Pérès, 51 ans, né dans les Hautes-Pyrénées, s'est installé en Chine en 1998. Le début de son expérience en Chine a été marqué par un "gros événement". En 2001 il a traversé la Chine à vélo, depuis Kachgar dans le Xinjiang jusqu'à Lhassa, de Lhassa jusqu'à Lijiang, de Lijiang jusqu'à Hong Kong et de Hong Kong jusqu'à Beijing.

Après avoir parcouru 12.000 km en six mois, il a écrit un livre qui s'appelle "Luo ben" (courir tout nu). Les deux millions de yuans récoltés lors de la promotion du livre ont été entièrement utilisés pour soigner les enfants chinois atteints de maladies cardiaques.

En 2005 il a commencé à venir à Moganshan pour passer des vacances. "Comme j'ai des enfants, et que Shanghai est une grande ville, on voulait trouver quelque chose à peu près à deux ou trois heures de voiture, pour passer le week-end à la campagne. On a trouvé une plantation de thé très jolie, et quand le gouvernement local m'a demandé si je voulais investir ici, on a dit 'mais oui, c'est ici !'", raconte M. Pérès qui est maintenant patron d'un hôtel français de luxe "Le Passage Moganshan".

"Si vous regardez le design de l'hôtel, vous pouvez voir qu'on a gardé le style extérieur qui est le style local, mais à l'intérieur on a voulu faire un style plus nostalgique, parce qu'il y avait des étrangers qui venaient dans les années 20 et 30 à Moganshan. Le concept est de faire revivre l'histoire de Moganshan", explique-t-il.

"Avant, quand on parlait de Moganshan, on disait que c'est là où les étrangers allaient dans les années 20 et 30 etc, mais c'est très superficiel. Je voulais chercher pourquoi ils venaient ici", indique M. Pérès.

"Ils ont choisi Moganshan car ce n'était pas trop loin de Shanghai, c'était bien placé par rapport à Suzhou, Huzhou, Hangzhou, pour être ce qu'on appelle la 'hill station'. Et une raison également pour laquelle ils ont fait ce choix c'est parce qu'à Shanghai, à l'époque, il n'y avait pas de tout-à-l'égout. Tout allait dans les canaux, qui ont depuis été comblés pour être transformés en routes. Le problème c'est qu'en été, il y avait beaucoup d'épidémies de choléra. Les étrangers, en juin, juillet et août, quittaient donc Shanghai parce qu'il était dangereux d'y rester, surtout pour les enfants. Il y avait une très forte mortalité. Ils quittaient Shanghai pour venir au frais", note-t-il.

"L'historique de Moganshan est un très bon regard porté sur l'histoire de la Chine. Même aujourd'hui, avec les développements récents, ça donne une très bonne vision sur l'évolution de la société chinoise", indique-t-il.

"Au début des années 2000, quand les Chinois ont commencé à avoir plus d'argent, ils ont commencé à voyager, mais ils ne voulaient pas venir à Moganshan parce que Moganshan, c'était trop près, ça ne comptait pas comme un voyage. Ils voulaient prendre l'avion pour aller au Yunnan, au Sichuan, au Heilongjiang. A cette époque-là il n'y avait pas beaucoup de gens qui avaient des voitures non plus. Ce n'était que des voitures d'entreprise. Les gens n'avaient pas de voiture pour aller passer un week-end à la campagne."

"Les Chinois qui ont commencé à avoir de l'argent ont donc d'abord voyagé en Chine, à Jiuzhaigou, à Lhassa, et après bien-sûr ils ont voulu aller aux Etats-Unis, en Europe, mais quand ils ont fait tout ça, ils avaient encore plus d'argent. Ils se sont dit qu'ils voulaient continuer à voyager loin, mais aussi voyager près. C'est vers 2010, lorsque les gens ont commencé à avoir leurs propres voitures, et encore plus de pouvoir d'achat, qu'ils ont commencé à venir à Moganshan. Et les trois ou quatre dernières années, ça a explosé", poursuit-il.

"Quelque chose de rigolo est que, quand nous sommes arrivés ici, on faisait beaucoup de vélo. C'est très joli ici pour faire du vélo. Les gens d'ici se disaient que ces étrangers étaient vraiment très stupides. Pourquoi est-ce qu'ils se fatiguent à faire du vélo alors qu'ils ont une voiture. Il fait chaud, ils transpirent. Mais aujourd'hui, au bourg de Deqing et à Moganshan, il y a des clubs cyclistes. Maintenant, beaucoup de gens, et pas seulement des jeunes, mais aussi des gens plus âgés, de 40 ans, 50 ans, et 60 ans, font du vélo parce qu'ils commencent à s'inquiéter de leur santé. Ils comprennent que faire du vélo n'est pas seulement fatiguant, c'est bon pour la santé, c'est sympa. Leur perception des choses a évolué très rapidement."

"Par contre c'est très difficile pour les étrangers de comprendre la Chine, si on n'a pas vécu ici, si on n'a pas vu de ses yeux. Je prends toujours un exemple : la France est comme une moto de 60 cc, et la Chine une moto de 1.300 cc, parce qu'en France on a 60 millions d'habitants, mais en Chine il y a un milliard 300 millions d'habitants. C'est pas le même poids, c'est pas la même maniabilité, donc ce n'est pas du tout pareil. Le gouvernement chinois ne peut pas gérer la Chine comme on gère la France. Ce n'est pas possible, ce n'est pas la même taille."

"Un autre exemple. Prenons le train à grande vitesse en Chine. Si vous lisez les médias étrangers, il y a cinq ans, tout le monde disait 'la Chine a fait n'importe quoi, elle a développé les trains à grande vitesse tous azimuts, c'est surdimensionné!' Mais aujourd'hui, si vous voulez acheter un billet de TGV au dernier moment, c'est impossible. Il faut réserver à l'avance, les trains sont pleins tous les jours."

Il se souvient encore d'un projet qu'il a réalisé pour la SOFRES. "La question qui était posée dans les études c'était 'Est-ce que la Chine peut devenir un vrai marché pour l'automobile?' Vous voyez la mécompréhension? Maintenant, c'est le premier marché mondial de l'automobile", souligne-t-il.

"Pourquoi la Chine a tant de succès? C'est parce que les Chinois ont une vision très large des choses, ils n'ont pas peur. Si vous regardez ce qu'ils sont en train de faire aujourd'hui, le rêve chinois, la nouvelle Route de la soie, c'est clair. Les Chinois n'ont aucun complexe d'infériorité, c'est pour ça qu'ils vont en France acheter le Club Med et l'aéroport de Toulouse, ça ne leur pose aucun problème, pour eux c'est normal."

"J'aime beaucoup Moganshan, j'ai beaucoup d'amis ici, que ce soit les paysans ou les officiels. Je suis un ami de la Chine, j'aime beaucoup la Chine. Si je peux à la fois contribuer au développement économique, mais aussi au développement culturel, ou à la protection culturelle, je le fais avec beaucoup de plaisir, avec beaucoup d'authenticité. Je pense que les locaux, les gens de Moganshan et le gouvernement apprécient ce que je fais, car ce n'est pas dans un but uniquement commercial. J'ai fait aussi beaucoup de choses parce que j'aime cet endroit, parce que j'ai beaucoup d'amis, parce que je veux aussi contribuer de façon bénévole à l'endroit", indique-t-il.

"C'est très intéressant ce qui s'est passé durant ces 15, 20 dernières années en Chine. Nulle part dans le monde il n'y a eu un développement aussi rapide, aussi important, dans l'histoire de l'humanité. Je trouve que j'ai eu beaucoup de chance d'être là au bon moment et de participer à ce développement. C'est une expérience extraordinaire."

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Guangqi CUI)
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