Dernière mise à jour à 11h32 le 18/03
Le 10 mars, le vol ET302 parti d'Addis-Abeba, la capitale de l'Éthiopie, à destination de Nairobi, la capitale du Kenya, s'est écrasé, tuant les 149 passagers et 8 membres d'équipage à bord, la scène du désastre témoignant de son caractère particulièrement tragique. Étant donné qu'Ethiopian Airlines est la meilleure compagnie aérienne d'Afrique, avec de bons antécédents en matière de sécurité et la flotte d'aéronefs la plus moderne du continent africain, la plupart des personnes qui ont mis les pieds sur le continent africain ont déjà pris Ethiopian Airlines. Je suis allé et venu en Afrique plusieurs fois, et j'ai pris presque à chaque fois Ethiopian Airlines. Non seulement les vols sont à l'heure, mais il y a même un menu chinois proposé à bord, et le service est très attentionné. C'est précisément pour cette raison que ce crash aérien a provoqué une grande tristesse dans l'opinion publique nationale et internationale, même si certains ont même déclaré que « La prochaine fois que vous allez en Afrique, faites d'abord votre testament, ou mieux n'y allez pas ». Bien que cette déclaration soit vraiment exagérée, elle montre également d'un côté que le pessimisme plane au-dessus de l'Afrique.
C'est pourquoi il est nécessaire que le processus de l'accident de cet avion soit éclairci de manière indiscutable, car, de manière plus approfondie, il révèle toutes les difficultés auxquelles l'Afrique et tous les pays qui se sont développés tardivement sont confrontés.
Premièrement, s'agissant de l'analyse des causes de l'accident, la société américaine Boeing aura bien du mal à s'exonérer de sa responsabilité dans la tragédie. Du point de vue d'Ethiopian Airlines, le vol qui s'est écrasé était aux mains d'un pilote expérimenté qui comptait plus de 8 000 heures de vol et le copilote plus de 200 heures, autant dire que la probabilité d'une erreur de pilotage est extrêmement faible. En revanche, en ce qui concerne Boeing, le vendeur de l'avion, le Boeing 737 Max accidenté n'avait été livré qu'il y a cinq mois seulement. Les livraisons de ce nouvel avion ont commencé en 2017 dans le monde, avec pour ambition de concurrencer l'Airbus A320neo. Il domine le marché mondial des gros porteurs à couloir central. Cependant, c'est le second crash aérien du Boeing 737 Max. Il y a cinq mois à peine, le vol JT610 de la compagnie indonésienne Lion Air s'était écrasé dix minutes après son départ de l'aéroport, causant la mort de 189 personnes. Au moment du premier accident aérien, Boeing n'a pas pris de mesures de réponse : que les résultats de l'enquête finale montrent que les deux catastrophes aériennes étaient liées, et Boeing ne pourra pas se soustraire complètement à ses responsabilités. Marie Schiavo, ancienne inspectrice générale du département américain des Transports, a déclaré : « Un avion entièrement neuf s'est écrasé deux fois en un an, ce qui a déclenché l'alarme dans le secteur de l'aviation et ne doit plus se reproduire ». Le 14 mars, le président américain Donald Trump n'a pas eu d'autre choix que d'« arrêter les vols » du Boeing 737 Max. Mais ce qui est encore plus terrifiant, c'est que, selon le rapport annuel de Boeing, 350 avions MAX ont été livrés à des compagnies aériennes du monde entier et 4 661 ont été commandés.
Deuxièmement, quand on explore l'essence même de la tragédie, la cause fondamentale des accidents aériens est la mise en œuvre d'un « impérialisme de la hi-tech » des pays développés sur les pays en développement. D'un côté, les entreprises de haute technologie des pays développés contrôlent le droit absolu de parler de technologie. En raison des désavantages des pays en développement sur le plan technique, ils n'ont aucun pouvoir de négociation et même leur utilisation correcte des produits est très passive. Bien que l'avion impliqué dans l'accident ait été révisé il y a un mois, il est indéniable que les pays en développement tels que ceux d'Afrique ont insuffisamment pris conscience de l'importance de la maintenance des infrastructures de transport telles que les avions, et c'est un fait indiscutable qu'ils ne prêtent guère attention à la formation de leur personnel à la maintenance. Les entreprises de haute technologie telles que Boeing n'accordent pas non plus encore une pleine attention aux caractéristiques des marchés des pays en développement. En revanche, les entreprises chinoises ont suivi leur propre expérience de développement et sont à la pointe. Ces dernières années, des avions chinois comme le Xian MA60 et le Harbin Y-12 non seulement sillonnent les cieux du vaste continent africain, mais ils ont également apporté avec eux un soutien en termes de formation et de gestion, pour aider l'Afrique à améliorer ses capacités et à stabiliser ses opérations. En plus d'apporter une assistance pour les aéronefs à destination des pays africains, les compagnies aériennes chinoises aident également ceux-ci à entretenir leurs infrastructures de maintenance. Par exemple, le projet de système d'entretien de peinture par pulvérisation construit par une entreprise aéronautique chinoise, a été livré. Ce hangar est le plus grand -mais aussi le seul- hangar d'entretien de peinture par pulvérisation d'Afrique. En plus de prendre en charge les opérations d'entretien de peintures de tous les modèles actuels d'Ethiopian Airlines, il assure également des services de maintenance et de réparation d'avions pour des compagnies aériennes d'autres pays africains. D'autre part, les pays développés ont le dernier mot dans la décision de clouer au sol un avion. Selon des règles non écrites, c'est en effet généralement l'autorité responsable de la réglementation du pays qui certifie le prototype de l'aéronef et, par conséquent, l'annonce du blocage au sol du 737 Max devrait être émise par le plus ancien organisme de certification de l'aéronef, la Federal Aviation Administration (FAA) américaine. Mais, le deuxième jour qui a suivi l'accident d'Ethiopian Airlines, l'Administration de l'aviation civile de Chine a annoncé que, pour des raisons de sécurité, elle émettait une notification demandant la suspension de l'exploitation commerciale de l'aéronef, indiquant qu'elle contacterait la FAA et Boeing, ce qui lui a valu certaines critiques malveillante en Occident. Par exemple, John Strickland, responsable de la société de conseil en transport aérien JLS Consulting, a déclaré : « C'est inhabituel. Nous nous demandons s'il n'existe pas là des considérations politiques plus larges ».
Troisièmement, pour approfondir le processus permettant d'éviter la répétition de ce genre de tragédies, l'amélioration mutuelle des pays en développement constitue le moyen fondamental de briser le monopole du droit de parole des pays développés. Face à ce « nouvel impérialisme » des pays occidentaux, les pays en développement ont des difficultés à avoir des dialogues et des consultations avec les pays développés en plus de s'unir, de coordonner leurs positions et de parler collectivement. En Afrique, par exemple, bien que les États-Unis prétendent promouvoir la capacité commerciale des pays africains par le biais de la Loi sur la croissance et les perspectives économiques en Afrique (African Growth and Opportunity Act, AGOA), les pays africains ont construit, grâce à des efforts collectifs, une « Zone franche du continent africain », annonçant qu'il est nécessaire de réduire le coût du commerce en abaissant les droits de douane des pays de la région et de promouvoir ainsi le commerce intra-régional sur le continent africain, plutôt que de placer toutes leurs attentes dans les États-Unis. C'est également pour cette raison que les pays africains ont activement proposé de lier le « Programme 2063 » de l'Union africaine à l'initiative chinoise « Une Ceinture, une Route » lors du Sommet du Forum de coopération Chine-Afrique 2018. C'est une leçon précieuse que l'Afrique a tirée de sa propre expérience en matière de développement : seule l'union des pays en développement peut assurer la montée en puissance du Sud et lui permettre de se faire entendre sa propre voix dans la gouvernance politique et la gouvernance économique mondiale dominées par les pays occidentaux et défendre ses propres revendications.
(Song Wei, chercheur associé, à l'Institut du commerce international et de la coopération économique au ministère chinois du Commerce)