Dernière mise à jour à 15h11 le 11/06
Selon les experts, si la Chine est sur le point d'éradiquer la pauvreté absolue, les chiffres publiés par le Premier ministre Li Keqiang le mois dernier montrent qu'il reste beaucoup à faire pour assurer à de nombreux Chinois une vie décente.
Lors d'une conférence de presse organisée après la fin de la session annuelle de l'Assemblée populaire nationale à Beijing à la fin du mois dernier, Li Keqiang a mis en lumière l'ampleur de la population à faibles revenus en Chine, soulignant qu'environ 600 millions de Chinois gagnent environ 1 000 yuans (141 dollars) par habitant par mois, une somme à peine suffisante pour louer un logement dans les villes moyennes.
Un villageois contrôle la croissance de melons sucrés dans une serre du village de Gulantun, dans le canton de Daliang du comté de Rongan, dans la région autonome Zhuang du Guangxi (sud de la Chine), le 18 août 2019. (Photo / Xinhua)
Le Premier ministre a déploré que l'épidémie de COVID-19, qui a été largement maîtrisée sur la partie continentale de la Chine, ait rendu la vie des habitants des communautés à faibles revenus encore plus difficile. Il faisait notamment référence à la perte d'emplois provoquée par la suspension généralisée de la production et l'annulation des commandes à l'étranger en raison de la pandémie.
Un nouveau chiffre qui met en lumière la taille de la population vulnérable de la Chine
« Les 600 millions de personnes à faibles revenus se sont longtemps cachées derrière les chiffres moyens », a déclaré Yan Jirong, directeur de l'Institut de gouvernance publique de la Peking University. Bien que leur revenu soit supérieur au seuil de pauvreté officiel, leur vie reste difficile et ils ne peuvent que maintenir un niveau de vie de base, pas une vie décente, a-t-il dit.
Une analyse des données sur le revenu public réalisée par l'Institut chinois de distribution des revenus de l'Université normale de Beijing a montré que les résidents ruraux représentent 75,6% des personnes gagnant moins de 1 090 yuans par mois. Par ailleurs, a précisé l'Institut, parmi les 600 millions d'habitants à faibles revenus, 36,2% se trouvent dans les provinces du centre et 34,8% dans les régions de l'ouest.
Une analyse de l'institut a révélé que les familles rurales pauvres sont généralement nombreuses, avec plusieurs personnes âgées et enfants à charge.
Dans le même temps, de nombreux travailleurs ruraux sont analphabètes ou ont abandonné le système éducatif avant de terminer l'école primaire. Certains travaillent dans des ateliers familiaux auto-suffisants, certains sont au chômage et d'autres ne sont jamais entrés sur le marché du travail.
Wang Sangui, directeur de l'Institut national de recherche sur la lutte contre la pauvreté à l'Université Renmin de Chine, a estimé qu'environ 40% des résidents ruraux faisaient partie du groupe à faibles revenus, étant donné que le revenu disponible médian par habitant des ruraux de l'année dernière était d'environ 1 200 yuans par mois. « L'industrie est si faible dans les zones rurales qu'elle ne peut pas générer suffisamment de revenus pour les résidents ruraux », a-t-il noté.
De son côté, M. Yan a ajouté que le groupe pourrait également inclure des communautés pauvres dans les petites villes, où les opportunités d'emploi sont moins abondantes. L'épidémie de nouveau coronavirus a fortement réduit les commandes étrangères de produits chinois et entraîné une contraction du secteur des services, rendant les emplois encore plus rares, a-t-il déclaré.
Les citadins pauvres, bien qu'ils aient droit aux avantages de l'État, n'ont souvent pas accès aux programmes de lutte contre la pauvreté dans les zones touchées par la pauvreté, qui aident les agriculteurs à développer des compétences, des entreprises à domicile et d'autres sources de revenus durables.
« Pour augmenter les revenus des citadins pauvres, les emplois sont la clé », a affirmé M. Yan.
Les 600 millions de personnes à faibles revenus aux prises avec une pauvreté relative sont apparues à un moment où la Chine gagne sa bataille contre la pauvreté absolue. Selon des chiffres officiels, plus de 700 millions de Chinois sont sortis de l'extrême pauvreté depuis la fondation de la République populaire de Chine en 1949. Parmi eux, plus de 90 millions ont échappé à la pauvreté au cours des sept dernières années, après que la Chine a lancé une vaste campagne de lutte contre la pauvreté comprenant des approches de secours adaptées.
Un développement déséquilibré
L'énorme population à faible revenu contraste fortement avec le statut de la Chine en tant que pays à revenu intermédiaire supérieur, dont le PIB par habitant a dépassé 10 000 dollars l'an dernier. Ces chiffres rappellent également constamment que la Chine reste le pays en développement le plus peuplé de la Terre, bien qu'elle soit la deuxième économie du monde.
« Nous devons être bien conscients que le développement est déséquilibré », a souligné M. Wang. « De nombreuses grandes villes peuvent rivaliser avec les pays développés en termes de niveau de vie, tandis que un grand nombre de zones rurales sont toujours aux prises avec une pauvreté extrême ».
Le développement inégal s'est, au fil du temps, matérialisé par un écart de richesse croissant, qui a commencé à se creuser il y a plus de quatre décennies en tant qu'effet secondaire de l'adhésion du pays à l'économie de marché et de la priorité accordée au développement des régions côtières.
Un rapport de la banque centrale publié l'année dernière sur les actifs familiaux a par ailleurs mis en lumière la disparité entre les citadins. Le rapport a révélé que parmi les quelque 30 000 familles urbaines interrogées, les 20% les plus riches possédaient 63% du total des actifs, contre seulement 2,6% pour les 20% les plus pauvres.
Bien que les familles rurales n'aient pas été interrogées, le rapport a également mis en lumière une forte fracture urbaine-rurale.