Dans la soirée du 2 juillet, le Gouvernement français a refusé à l'avion du président bolivien Evo Morales le transit au-dessus du territoire français, provoquant non seulement la colère de la Bolivie et des pays latino-américains, mais aussi causé le mécontentement de la majorité de la classe politique française. Bien que la France, par la bouche de son Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, ait exprimé ses « regrets » face à une grave violation du droit international, cet acte non seulement va jeter un froid sur les relations entre la France et les pays d'Amérique latine, mais elle va également gravement porter atteinte à la réputation de la France dans le domaine diplomatique.
Le Gouvernement bolivien a déclaré qu'il allait porter plainte auprès des Nations Unies contre la France et d'autres pays européens au sujet de la violation des règles du droit international. Le Parlement bolivien va plus loin, exigeant l'expulsion des ambassadeurs de France, d'Italie et de Portugal en Bolivie. En France, selon le Parti de gauche cette décision est l'illustration d'une subordination aux intérêts des Etats-Unis. Quant au Parti communiste français (PCF), il estime que c'est avoir fait preuve de « flatterie atlantiste ». Et pour le député français Jean-Christophe Lagarde, quand bien même Edward Snowden eût été présent dans l'avion, était-ce une raison suffisante pour que la France refuse le transit de l'avion présidentiel bolivien ?
Quand on voit de quelle façon la France semble traiter la question de la demande d'asile politique de Snowden en France, on peut se demander si elle n'a pas subi des pressions américaines, et qu'elle y a succombé. Je me souviens l'année dernière, en mai, après la constitution du nouveau Gouvernement français, le nouveau ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius avait déclaré ceci au journal Le Monde, au sujet de la façon de traiter les relations entre la France et les Etats-Unis : « Nous sommes des alliés fidèles des États-Unis, mais nous ne sommes pas des vassaux ». Il avait ajouté: « La France est un pays qui a des caractéristiques communes, mais aussi des caractéristiques particulières ». Cependant, après plus d'un an, la France a oublié ses promesses, donnant l'impression que ce sont les Américains qui dirigent la barque. On ne peut s'empêcher de se demander si la France a encore sa propre « diplomatie indépendante », et de quelle manière elle la met en œuvre. Certains estiment que le gouvernement de gauche français s'écarte de plus en plus de la voie tracée par la doctrine De Gaulle-Mitterrand.
En effet, la France est elle aussi une des victimes du Plan Prism des Etats-Unis. Il y a quelques jours, les médias ont révélé que selon les documents fournis par Snowden, l'Agence de Sécurité Nationale américaine avait secrètement installé des appareils d'écoute dans les bureaux de l'UE pour surveiller l'UE et les États membres de l'UE, dont la France. À ce sujet, le 30 juin, le Ministre français des Affaires Etrangères Laurent Fabius avait dit qu'il attendait une explication du Gouvernement américain concernant la mise sur écoute de bureaux de l'UE. Je me souviens que le département de surveillance du réseau français avait, en novembre 2012, révélé que lors de l'élection présidentielle française de l'an dernier, les États-Unis avaient utilisé des logiciels espions pour pénétrer sur les ordinateurs du palais présidentiel français, et surveillé l'ancien président français Nicolas Sarkozy. La révélation du « Plan Prism » semble confirmer davantage encore que c'était vrai. Dans ce cas, le suivisme de la France envers les Etats-Unis, et le fait qu'elle ait interféré dans le vol de l'avion présidentiel bolivien devient très difficile à comprendre. On peut dire que la France semble souffrir de la « peur d'effrayer les Etats-Unis » et qu'elle perd le sens du jugement face à un problème important.
Le plus inquiétant, c'est que cet incident de refus de survol non seulement n'est pas fini, mais qu'il continue à fermenter. Il va sérieusement affecter les relations entre la France et les pays latino-américains. La France, ainsi que l'Italie, l'Espagne et le Portugal, ont créé un précédent international jamais vu auparavant, et c'est un précédent dangereux. Imaginez : si un jour le Président français voyait son avion interdit de survoler la Bolivie ou d'autres pays d'Amérique latine (et cela n'est pas impossible), que ressentirait-il ?
Auteur : Ren Yaqiu
Date: 4 juillet 2013