Un manifestant sud-coréen arrêté par des policiers alors qu'il chante des slogans dénonçant la visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe au temple Yasukuni, devant la résidence officielle de l'ambassadeur du Japon à Séoul vendredi. Kim Hong-ji / Reuters. |
Selon les analystes, le Premier ministre japonais Shinzo Abe est déterminé à poursuivre son objectif de longue date, faire disparaitre les restrictions constitutionnelles à un renforcement de la puissance militaire du Japon, en dépit des critiques qui ont fusé dans le monde entier suite à sa visite de la semaine dernière au temple Yasukuni, dédié aux morts de guerre.
Parmi les étapes que Shinzo Abe est susceptible de franchir pourraient figurer l’autorisation aux forces armées japonaises de se joindre à d'autres pays pour patrouiller sur les routes maritimes en haute mer -une décision pour l’heure inconstitutionnelle- et rechercher l'aide américaine pour éliminer les obstacles procéduraux à la réécriture de la Constitution pacifiste du Japon, selon les experts sur la politique de Tokyo.
Shinichi Kitaoka, ancien ambassadeur du Japon auprès des Nations Unies et conseiller clé en matière de sécurité pour M. Abe, a déclaré dimanche au très important journal japonais, le Yomiuri Shimbun, que le « droit à l'auto-défense collective » - illégal en vertu de l'interprétation officielle actuelle de la Constitution du Japon- devrait être permis, pour permettre aux Forces d'autodéfense japonaises de participer à des patrouilles conjointes de sauvegarde des « voies maritimes » de transport de pétrole brut.
Des patrouilles mixtes le long des routes de haute mer -couvrant le Moyen-Orient par la Mer de Chine Méridionale jusqu’au Japon- font partie de la « synthèse de proposition » d'un panel clé de conseil en politique de sécurité du gouvernement, a déclaré M. Kitaoka, président en titre du comité consultatif.
Zhang Boyu, Directeur adjoint du Département de politique japonaise à l'Institut d'études japonaises de l'Académie chinoise des sciences sociales, estime que Shinzo Abe et son gouvernement ne renonceront pas à la révision de la Constitution.
« Le but ultime d’Abe est de renverser la Constitution pacifiste, et les étapes de procédure à venir seront adoptées progressivement jusqu’à faire que la loi n'existe plus que de nom », a dit M. Zhang.
Le sujet de l'activation de l'auto-défense collective a repris de la vigueur après que Shinzo Abe soit devenu jeudi le premier Premier ministre japonais en fonction à visiter depuis des années le sanctuaire de Yasukuni, qui honore 14 criminels de guerre de classe A de la Seconde Guerre mondiale.
Meng Xiangqing, Professeur à l'Université de la défense nationale de de l'APL, a déclaré que le gouvernement Abe a déjà procédé à une évaluation du calendrier de la campagne pour la révision constitutionnelle, et que Tokyo estime désormais qu’« il est temps » en raison de la mise en place de toute une gamme de travaux préparatoires législatifs.
L'ambassade des États-Unis au Japon et le Département d'Etat américain ont quant à eux exprimé leur « profonde déception », car l’initiative de Shinzo Abe nuit aux relations entre le Japon et la Corée du Sud, un autre allié des États-Unis, et peut causer des problèmes plus larges pour les Etats-Unis, a déclaré Jin Canrong, professeur de relations internationales à l'Université Renmin de Chine à Beijing.
« Le Japon est en train de saper l'ensemble de la stratégie de rééquilibrage des États-Unis en Asie », a déclaré le professeur Jin. « Washington ne se sent pas rassuré à l'égard de Tokyo. Il y a un fossé entre eux ».
Dans une apparition sur la chaîne de télévision nationale japonaise NHK le 22 décembre -quatre jours avant la visite au temple- M. Kitaoka a confirmé que son groupe proposera un rapport au printemps prochain, ce qui laisse supposer que le gouvernement est déterminé à lever l'interdiction de l'exercice du droit de légitime défense collective.
Il a indiqué que l'exercice de la légitime défense collective sera également à l'ordre du jour lorsque les États-Unis et le Japon réviseront leurs lignes directrices en matière de coopération de défense, une refonte qui est attendue avant la fin de l'année prochaine.
Contenir la Chine, en stimulant l'alliance américano-japonaise et « permettre à l’auto-défense collective du Japon de demander au Japon de partager une plus grande partie de la charge du déploiement militaire des États-Unis en Asie de l'Est » figureront probablement à l'ordre du jour de la révision des directives, a dit Liu Jiangyong, expert en études japonaises et vice-doyen de l'Institut des relations internationales modernes à l'Université Tsinghua.
« Il reste à voir comment Washington et Tokyo vont approfondir leur coopération en matière de défense », a ajouté M. Liu.