Les principaux journaux américains ont publié jeudi des articles indiquant que la visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe au sanctuaire controversé de Yasukuni attise de nouvelles tensions en Asie et aggrave les relations entre le Japon et la Chine et la Corée du Sud.
La visite "surprise" et "provocatrice" d'Abe au sanctuaire qui honore les criminels de guerre de catégorie A de la Seconde Guerre mondiale a également déclenché une rare démonstration de désapprobation de la part de Washington, suscitant de nouvelles inquiétudes pour l'administration Obama, a souligné la presse américaine.
La visite "soulève la perspective d'hostilités encore plus profondes entre un Tokyo déjà isolé et ses voisins", a observé le Washington Post.
Tout en suggérant qu'Abe est "de plus en plus disposé à jouer à sa base conservatrice, un groupe qui croit que le Japon a été injustement vilipendé pour son passé militariste", le journal a indiqué que les analystes interprètent la visite d'Abe au sanctuaire de Yasukuni comme une stratégie dans laquelle "il abandonne l'idée de réconciliation et utilise plutôt les tensions pour justifier une large plate-forme de droite qui inclut des changements constitutionnels et les restrictions assouplies concernant les Forces d'autodéfense du Japon".
Le journal a également rapporté les critiques disant que la posture de M. Abe invite au blanchissage des atrocités passées, une exonération incarnée par le sanctuaire de Yasukuni.
"Je pense qu'il veut montrer au peuple japonais que c'est un dirigeant qui résistera à la pression de ses voisins", a déclaré au Washington Post Jeff Kingston, professeur d'études asiatiques au campus Japon de l'Université Temple. "L'époque de l'histoire masochiste pour faire plaisir aux voisins est révolue. D'une certaine manière, le Japon décide unilatéralement de tourner la page de l'histoire".
"La visite semble rendre évident le fait que les politiques économiques de M. Abe étaient un prétexte pour dissimuler son projet nationaliste", a déclaré Koichi Nakano, professeur de science politique à l'Université Sophia à Tokyo, cité par le Wall Street Journal.
"Cela montre combien Abe est arrogant vis-à-vis des pays voisins, combien le Japon est impénitent sur ses crimes de guerre passés", écrit le New York Times, citant les propos du directeur de l'Association pour les victimes de la guerre du Pacifique, Yang Soon-im.
Le Washington Post a également indiqué que la visite de M. Abe provoque de nouvelles inquiétudes pour l'administration Obama, qui a encouragé le Premier ministre japonais à se réconcilier avec les voisins du Japon.
La visite aura probablement pour effet d'"endommager les liens entre Tokyo et Washington, compte tenu de la façon dont les Etats-Unis ont fait pression pour que le Japon améliore ses relations avec ses voisins asiatiques", a expliqué M. Nakano, cité par le Wall Street Journal.
Ces grands journaux ont tous indiqué que le sanctuaire de Yasukuni est considéré par les pays d'Asie comme un symbole du militarisme passé du Japon.
Le Wall Street Journal a rappelé que le sanctuaire de Yasukuni a discrètement ajouté à sa liste en 1978 quatorze criminels de guerre de catégorie A de la Seconde Guerre mondiale qui avaient été condamnés par les forces alliées après la guerre. Parmi eux figure Hideki Tojo, qui a été Premier ministre du Japon pendant pratiquement toute la durée de la guerre.
Les empereurs du Japon n'ont jamais visité le sanctuaire depuis l'ajout des 14 criminels de guerre, a précisé le journal.