Quatre jours après la visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe au sanctuaire controversé de Yasukuni, l'escalade de déception et de condamnation se poursuit à la suite de cette manoeuvre imprudente.
Singapour a exprimé ses regrets face à la visite de M. Abe, évoquant que ce geste "a le potentiel de susciter des sentiments et des réactions négatives dans la région".
"Nous soutenons toujours que de telles visites réveillent de vieilles blessures, et nuisent à l'instauration d'un climat de confiance dans la région", a indiqué un porte-parole du ministère singapourien des Affaires étrangères.
"Il est dans l'intérêt de toutes les parties de faire preuve de retenue, d'éviter tout geste qui pourrait exacerber les tensions et de chercher à créer un environnement propice à la confiance et à la compréhension mutuelles", selon le porte-parole.
Parallèlement, les pays voisins tels que la Chine et la Corée du Sud, qui ont grandement souffert de l'invasion et de la colonisation japonaises lors de la Seconde Guerre mondiale, ont continué à dénoncer la visite de M. Abe.
La branche washingtonienne du Conseil chinois pour la promotion de la réunification nationale pacifique a fermement condamné samedi la visite de M. Abe dans une déclaration, l'avertissant que "ceux qui jouent avec le feu se brûleront".
Selon la déclaration, M. Abe a rendu, à titre de Premier ministre, un hommage éhonté au sanctuaire qui honore des criminels de guerre de classe A de la Seconde Guerre mondiale. Par ce geste, M. Abe a complètement fait fi de la justice historique et de la conscience humaine, et a défié l'ordre international d'après-guerre basé sur la Charte de l'ONU.
Zhou Guangming, président de la branche australienne du Conseil, a confié dimanche à Xinhua que la visite de M. Abe a porté préjudice à la paix dans le monde et a intensifié la tension régionale en Asie de l'Est.
Par ailleurs, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a critiqué lundi le Japon pour avoir "déterré des blessures du passé", a rapporté l'agence de presse Yonhap.
"Au cours de la nouvelle année ... j'espère qu'aucun acte ne mènera à la destruction du lien de confiance entre pays et à la détérioration des sentiments des peuples en déterrant des blessures du passé", a indiqué Mme Park, citée par l'agence Yonhap qui a ajouté que la remarque semblait faire allusion au Japon, bien que le nom du pays n'ait pas été mentionné directement.
La visite de M. Abe a également soulevé des inquiétudes à l'intérieur du Japon.
L'agence de presse japonaise Kyodo a publié dimanche les résultats d'un sondage téléphonique mené à l'échelle nationale, qui démontrent que près de 70% des répondants croient que M. Abe aurait dû tenir compte de la portée diplomatique de sa visite au sanctuaire.
"Le futur des relations entre le Japon et les autres pays en 2014 est incertain, après que la visite surprise de M. Abe eut suscité une réponse froide de la part des principaux acteurs mondiaux, y compris la Chine et les Etats-Unis, et le Japon risque l'isolation", estime l'agence Kyodo dans un autre éditorial. Ce dernier mentionne que l'amélioration des liens avec la Chine et la Corée du Sud semble maintenant plus difficile que jamais.
Kazuhiko Togo, ancien haut diplomate japonais et directeur de l'Institut des Affaires mondiales de l'Université Sangyo de Kyoto, a également fait part de ses inquiétudes.
"Pour ceux qui soutiennent généralement les initiatives économiques, politiques et de politiques étrangères de M. Abe, moi y compris, sa visite du 26 décembre au sanctuaire Yasukuni a eu l'effet d'une bombe, suscitant déception et impuissance", a-t-il écrit dans un article signé publié dimanche sur le site internet du Forum de l'Asie de l'Est.
Avec cette visite, M. Abe a réussi d'un seul coup à isoler le Japon de la Chine, de la Corée du Sud et de la Russie, a-t-il jugé, craignant que la liste ne s'étende à d'autres pays à travers l'Asie-Pacifique et l'Europe.