LE PLAN D'INVESTISSEMENT DE JUNCKER RECOIT UN ACCUEIL PRUDENT
Le Parlement européen (PE) a donné un accueil surtout "prudent" au plan d'investissement du président de la CE Jean-Claude Juncker, qui a été dévoilé le 26 novembre dernier.
Ce plan, qui comprend la création d'un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), garanti par des fonds publics, vise à mobiliser au moins 315 milliards d'euros (environ 393 milliards de dollars) d'investissements supplémentaires au cours des trois prochaines années.
L'objectif du Fonds est d'investir dans les infrastructures, notamment les réseaux de haut-débit et d'énergie, ainsi que des infrastructures de transport dans les centres industriels; l'éducation, la recherche et l'innovation; et les énergies renouvelables.
En présentant ce plan au PE à Strasbourg, M. Juncker a déclaré : "Si l'Europe investit plus, l'Europe sera plus prospère et créera plus d'emplois, c'est aussi simple que cela."
Cependant, le succès du plan dépend de ce que les économistes appellent "l'effet multiplicateur". La CE prétend que chaque euro des fonds publics va générer 15 euros en investissement total. Sur la base de cette logique, 21 milliards d'euros de fonds publics pourraient générer 315 milliards d'euros d'investissement total.
Les principaux groupes politiques au sein du PE ont largement soutenu le plan. Sans surprise, le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) de M. Juncker était fortement en faveur. Son président Manfred Weber a déclaré : "Ce dont nous avons besoin, c'est l'optimisme et la volonté de changement. Ce que nous ne pouvons pas faire, c'est de continuer à appliquer les solutions du passé, nous devons éviter de contracter plus de dette, parce que ce n'est tout simplement pas viable. C'est pourquoi la mobilisation du capital privé et la dépense de l'argent de façon plus intelligente pour financer des projets innovants sont la bonne voie."
Gianni Pittella, président des Socialistes et Démocrates (S&D), a également salué le changement de stratégie "du dogme de l'austérité aveugle de l'ère Barroso".
Les S&D se sont battus pour que les contributions des Etats membres au Fonds soient déduites du calcul de leurs déficits et dettes nationales, et ont gagné. Le fait que le collège des commissaires de M.Juncker a accepté cet argument est une victoire importante pour le centre-gauche.
Cependant, le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) a été plus prudent. Même si le programme d'investissement est nécessaire pour libérer l'investissement privé, il ne serait pas un substitut pour les réformes économiques qui encourageraient encore plus d'investissements dans l'économie de l'Europe, a déclaré le président du parti Syed Kamall.
Le chef de groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE) Guy Verhofstadt a souligné que l'investissement devait être soutenu par des réformes structurelles dans les Etats membres.
"Peut-être que la réforme du marché du travail devrait être une condition pour obtenir les fonds," a-t-il suggéré, en soulignant la nécessité de renforcer les marchés numérique, énergétique et de capitaux uniques de l'UE. "Sinon, l'argent serait perdu sur une grande échelle", a-t-il dit. Verhofstadt a également proposé d'exempter l'utilisation des fonds de l'impôt, afin d'attirer davantage d'investissements privés.
La majeure partie de l'argent sera probablement dépensé en Europe du Sud en crise. Cependant, M. Juncker était ferme en affirmant que le choix des projets qui pourraient bénéficier du fonds ne serait pas réduit à une série de listes de souhaits des Etats membres individuels.
"Les silos géographiques ne serviront pas à n'importe qui," a dit M. Juncker au PE. "La France en pleine croissance, c'est bon pour l'Italie. L'Europe du Sud en pleine croissance, c'est bon pour l'Allemagne. Nous sommes tous des parties de l'ensemble. Nous devrions nous tenir épaule contre épaule."