Les 2000 premières recrues d'une nouvelle force de police ukrainienne ont débarqué dans la capitale Kiev le week-end dernier, désignées par le gouvernement pour être un signe visible de son engagement à secouer une culture profondément enracinée de la corruption dans les institutions publiques. Formés par des forces américaines et canadiennes, vêtus d'uniformes moins militaires et baptisés du nom de « Politsiya »pour marquer une rupture avec l'ancien « Militsiya » de style jugé trop soviétique, les jeunes policiers se sont engagés à renoncer aux pots de vin autrefois liés à leur travail.
Le Président Petro Porochenko a déclaré que cette force, qui patrouillera d'abord dans les grandes villes et sera ensuite déployée à travers le pays, aura pour tâche, non seulement de faire respecter la loi, mais « aussi de faire croire aux gens que les réformes sont inévitables ». C'est peut-être la rupture la plus visible avec le passé soviétique de l'Ukraine depuis que le président pro-Moscou Viktor Ianoukovitch a été évincé en février de l'année dernière par les protestations du « Maidan » contre la corruption et en faveur de liens plus étroits avec l'Europe occidentale.
Mais la nouvelle force, dont les uniformes et casquettes bleu marine ne dépareraient pas dans les rues de New York, aura du pain sur la planche dans une société où la police et les tribunaux sont largement considérés comme favorisant les puissants, et où les pots de vin sont utilisés pour tout, d'éviter des pénalités pour excès de vitesse à entrer dans de bonnes écoles. De fait, dans un sondage publié le mois dernier par le Centre Razoumkov, un groupe de recherche indépendant, les répondants ont estimé à près de 81% que la lutte contre la corruption ne fonctionnait pas.
« Je veux y croire », dit cependant Natalia, une femme d'âge moyen qui n'a pas voulu donner son nom, après avoir regardé les nouvelles recrues au garde-à-vous écouter le discours du Président Porochenko. « Je l'espère, au fond de mon âme, que quelque chose va changer pour le mieux ». Un autre spectateur, Serhiy Makarchuk, a déclaré qu'il espérait qu'il n'y aura plus de corruption, « et qu'il y aura de l'ordre, de sorte qu'ils ne boiront plus d'alcool dans les rues ».
La bataille de l'Ukraine contre la corruption a connu quelques faux départs : le projet de loi réglementant la nouvelle force de police n'a pas encore été signé par le président après des mois de querelles au Parlement : pour l'instant, les policiers doivent encore se conformer aux lois anciennes. Un Bureau anti-corruption tant vantée, chargé d'éradiquer la corruption de haut niveau, a finalement été mis en place en avril, après six mois de discussions, mais certains ministres sont encore aux prises avec la définition même de la corruption… et la semaine dernière, le Ministre de l'écologie et des ressources naturelles, Ihor Shevchenko, a été démis de ses fonctions après avoir accepté un déplacement sur le jet privé d'un homme d'affaires de la station balnéaire française de Nice à Kiev.