Dernière mise à jour à 10h38 le 30/07
Des citoyens, des hommes politiques et des médias sud-coréens élèvent la voix contre la décision de Séoul et de Washington de déployer le système antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) sur le territoire sud-coréen.
Des riverains du site choisi pour abriter une batterie THAAD d'ici la fin 2017 continuent de protester contre ce bouclier antimissile américain, tandis que des groupes d'activistes et d'étudiants qui prônent la paix et la stabilité organisent des manifestations.
Des élus de l'opposition appellent à l'annulation de la décision de déployer le système THAAD. A la télévision, des panélistes se montrent divisés sur les avantages et les inconvénients de ce déploiement, reflétant un pays divisé face à ce système antimissile qui n'est pas testé et pourrait être dangereux pour l'environnement.
Park Wan-joo, l'un des responsables du groupe parlementaire du principal parti d'opposition Minjoo, a indiqué jeudi lors d'une réunion du parti que le déploiement du THAAD faisait redouter le risque d'un isolement moindre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Il a réclamé la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée d'évaluer les éventuels effets négatifs du déploiement.
Suite au quatrième test nucléaire de la RPDC en janvier et au décollage d'une fusée à longue portée en février, condamné en tant que test déguisé de la technologie des missiles balistiques, la communauté internationale a adopté via le Conseil de sécurité de l'ONU des résolutions encore plus sévères contre Pyongyang.
L'accord sur le déploiement du système THAAD fait craindre que la Corée du Sud aura beaucoup de mal à obtenir une coopération chinoise et russe en vue de dénucléariser la péninsule coréenne. Beijing et Moscou ont exprimé leur forte opposition à ce déploiement en Corée du Sud, estimant qu'il pouvait rompre l'équilibre stratégique dans la région et mettre à mal les intérêts de sécurité des pays voisins.
Le radar en bande X utilisé dans le système THAAD est capable d'observer des territoires chinois et russes étant donné que dans sa configuration en mode avancé, il peut avoir une portée d'au moins 2.000km. Séoul affirme vouloir se reposer sur une configuration "phase de vol terminale" avec une portée de 600 à 800km, mais le système peut être transformé à tout moment en mode avancé, puisque les deux modes utilisent le même matériel.
Moon Jae-in, ancien chef du Minjoo et candidat à la présidentielle de 2012, a déclaré sur son compte Facebook que le déploiement du système THAAD pourrait entraîner davantage de pertes que de gains et que le soutien du gouvernement de Park Geun-hye à ce bouclier antimissile américain pourrait nuire à la coordination internationale pour résoudre la question nucléaire dans la péninsule.
L'opinion publique semble de plus en plus opposée au déploiement du THAAD. Selon un sondage effectué les 21 et 22 juillet auprès de 1.000 adultes pour le journal Media Today, 53,1% des sondés exigent la renégociation de la décision de déploiement. Ceux en faveur du déploiement comme prévu initialement sont 42,6%.
Les jeunes générations sont massivement opposées au déploiement du THAAD : les trentenaires sont ainsi 78,3% à exprimer leur opposition. La proportion chez les vingtenaires et les quarantenaires est respectivement de 66,7% et 63,1%.
Par contraste, un sondage mené en février par l'institut Realmeter montrait que 49,4% des personnes interrogées étaient en faveur du THAAD et 42,3% contre. Cette prise de conscience croissante de ce qu'est le THAAD a contribué à ce que davantage de gens changent de position, mais les générations plus âgées, en particulier ceux ayant plus de 60 ans, restent en faveur du déploiement, leur gouvernement entretenant la peur dans l'opinion.
Les autorités sud-coréennes affirment que sans cette batterie THAAD, le pays est à la merci des menaces nucléaires croissantes de Pyongyang. Mais les opposants réfutent le fait que le THAAD puisse être la panacée pour protéger le pays contre les missiles de la RPDC.
Les intercepteurs du THAAD sont conçu pour abattre des missiles à une altitude relativement élevée de 40-150 km par leur seule énergie cinétique, tandis que certains missiles de la RPDC peuvent voler à une altitude bien inférieure, à 20-30 km.
"Sans le THAAD, il y a suffisamment de moyens militaires pour se défendre contre toute menace de missiles venant de la Corée du Nord (RPDC)", a déclaré Cheong Wook-sik, directeur de l'ONG Peace Network et co-président du comité de pilotage du Forum civil pour la paix, lors d'une conférence de presse.
M. Cheong a appelé au dialogue entre Séoul et Pyongyang et à l'annulation de la décision de déploiement du THAAD. Pour lui, la peur des armes nucléaires de la RPDC disparaîtra dès que s'amélioreront les relations inter-coréennes.
Des étudiants se sont descendus dans la rue pour organiser des rassemblements anti-THAAD. L'un d'entre eux a déclaré à Xinhua un peu plus tôt cette semaine que les parties concernées devraient reprendre le dialogue afin d'apaiser les tensions et réduire les risques de guerre en Asie du Nord-Est.
"Si la dénucléarisation (de la péninsule coréenne) est un but ultime, (la Corée du Sud) devrait choisir le dialogue plutôt que le déploiement du THAAD, qui rendra ce dialogue beaucoup plus difficile. Le blocage du déploiement du THAAD peut être une première étape vers le dialogue", a ainsi déclaré Lee Jowoon, 24 ans, qui n'a pas souhaité être identifié davantage.
Les habitants de la région de Seongju, où la batterie THAAD va être déployée, continuent de manifester contre ce déploiement. Il y a deux semaines, des villageois ont jeté des bouteilles d'eau et des oeufs sur le Premier ministre Hwang Kyo-ahn et le ministre de la Défense Han Min-koo, en visite dans cette région située à 250km au sud-est de Séoul pour tenter d'apaiser la colère.
Les habitants, pour la plupart des agriculteurs, sont furieux devant le déploiement sans préavis ni discussion d'un système radar qu'ils jugent dangereux. Le radar en bande X du THAAD est connu pour émettre de puissantes micro-ondes nuisibles à l'organisme. Il peut aussi causer des risques environnementaux, nourrissant les inquiétudes des villageois au sujet de la culture du melon makuwa, le pilier économique de la région.