Dernière mise à jour à 15h34 le 19/11
Après deux mois de campagne officielle, les sept candidats à la primaire de la droite et du centre en vue de l'investiture pour la course à l'élection présidentielle, se sont affrontés jeudi soir pour un troisième et ultime débat télévisé, alors que le premier tour de ce scrutin inédit aura lieu dimanche. Si la politique européenne figurait bien au menu du débat, elle n'a guère suscité l'engagement et l'enthousiasme dans les rangs des concurrents.
Les éditorialistes de l'Hexagone s'accordaient sur un point, vendredi, à l'issue d'un débat plutôt terne, ponctué de quelques passes d'armes : le troisième match entre les sept adversaires de la primaire de la droite et du centre n'a pas vraiment tenu ses promesses. Annoncé comme décisif, l'échange, diffusé en direct sur la télévision publique France 2 et la radio privée Europe 1, a duré plus de deux heures et demie. Mais les candidats ont surtout cherché à peaufiner leur profil dans l'espoir de marquer des points en vue du premier tour, dimanche, sur lequel plane des incertitudes.
On ignore en effet quelle sera la participation à ce scrutin sans précédent mis sur pied dans l'espoir de mettre un terme aux querelles intestines qui ont déchiré la droite ces dernières années.
Si l'on en croit les dernières enquêtes d'opinion, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, donné jusqu'ici largement favori, serait rattrapé par François Fillon, lui aussi ex-Premier ministre, qui passerait devant l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy.
Quant aux autres candidats, le député de l'Eure Bruno Le Maire, la députée de l'Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet (seule femme en lice), Jean-Frédéric Poisson successeur de Christine Boutin à la tête du Parti chrétien démocrate et l'ex-président de l'UMP, maire de Meaux, Jean-François Copé, ils risquent bien de jouer les figurants.
L'élection de Donald Trump et ses conséquences, la situation en Syrie, la question de l'école qui cristallise le mécontentement des Français, celles de la Fonction publique et du social, tout aussi sensibles dans l'Hexagone, ont occupé le devant de la scène d'un débat lors duquel devait aussi être évoquée la politique européenne, à l'heure où l'avenir de l'UE, enlisée dans de multiples crises, suscite de larges inquiétudes.
L'Europe, les candidats en ont certes parlé davantage que lors des débats précédents, mais au final, bien peu, et d'une manière convenue, sans que les véritables enjeux ne soient évoqués. Face au risque de "délitement" de l'UE et à ses répercussions pour la France, aucune solution élaborée n'a été proposée par les aspirants à la charge suprême de la République française. Tant et si bien que la politique européenne a été rapidement chassée par d'autres sujets franco-français, fournissant l'occasion aux candidats de lancer quelques "petites phrases".
A l'heure du Brexit, de la montée des partis eurosceptiques, de la crise migratoire, et alors que les économies européennes sont très largement interdépendantes dans un contexte mondialisé où l'UE peine à faire le poids face aux grandes puissances, on peut légitimement s'étonner du peu de place consacré à l'UE pendant cet échange médiatique.
Le futur président français ne devra-t-il pas s'atteler à prendre à bras le corps la question européenne? D'autant plus face à une Amérique tentée par le repli isolationniste.
Si les candidats ont dénoncé la paralysie de l'UE à 27, ils n'ont guère dépassé le stade du constat d'échec. "L'Europe est menacée de dislocation", pour Alain Juppé, "L'Europe prend l'eau", pour François Fillon.
Les trois favoris des sondages ont plaidé pour un renforcement des frontières extérieures de l'UE sans donner de pistes claires pour y parvenir. Sur le plan économique, ils ont défendu une meilleure convergence fiscale et la mise en place d'une vraie gouvernance opérationnelle dans le but de stabiliser l'Europe de la zone Euro.
"Il faut consolider la zone euro en harmonisant notre fiscalité et en définissant un socle de droits sociaux", notamment pour permettre d'en finir avec la problématique des travailleurs détachés, a estimé Alain Juppé qui a proposé un "Congrès des consciences" européen pour "élaborer une nouvelle Europe" afin de "repartir sur un pied nouveau".
Faut-il un nouveau traité européen? Nicolas Sarkozy défend cette idée tandis qu'Alain Juppé et François Fillon s'y opposent, "en tous cas pas maintenant".
"Sur la question de l'immigration, il n'y a pas besoin d'un traité, on ne va pas recommencer à faire quelque chose à 27", a de son côté lâché Jean-François Copé. "Le libre-échange, c'est bien gentil, mais sortons de la naïveté. Il faut qu'on se protège", a-t-il ajouté.
Seul Bruno Le Maire a revendiqué sa proposition d'un référendum en début de quinquennat sur un nouveau traité, prêtant le flanc aux moqueries de ses adversaires.
L'idée d'un premier cercle des pays de l'Euro resserré sur le couple franco-allemand avec un gouvernement commun a été évoquée sans plus de détails.
Sur le front de la défense, c'est à l'échelle nationale que tous les candidats ont abordé le sujet, en promettant d'augmenter, après que la droite les a beaucoup diminués entre 2007 et 2012, les effectifs de l'Armée.
En matière de politique étrangère commune à l'UE, aucune proposition nouvelle n'a émergé du débat. Alain Juppé s'est emporté contre l'accord signé avec la Turquie sur la question des migrants qu'il juge "inacceptable". "La France a été totalement absente de cette négociation", a-t-il déploré et d'avant d'asséner : "la Turquie n'a pas sa place dans l'Union européenne".
Les candidats divergent par ailleurs sur la position diplomatique à tenir vis-à-vis de Moscou et de Damas.
L'Europe sera-t-elle aussi absente lors de la primaire socialiste? Il y a fort à parier. "Elle le sera probablement aussi, voire de la campagne présidentielle elle-même. Il est tout aussi difficile à droite qu'à gauche d'évoquer le sujet, dans la mesure où les deux partis conduisent exactement la même politique européenne lorsqu'ils se relaient au pouvoir", estime, dans les colonnes du Figaro du 17 novembre, Coralie Delaume, journaliste et essayiste, auteur du livre "Europe. Les Etats désunis".
"L'oecuménisme trans-partisan sur l'Europe ne date pas d'hier, ni même du référendum sur le traité constitutionnel de 2005. Il ne s'est jamais vraiment démenti. (...) Pour l'un comme pour l'autre camp, il est certainement préférable d'éviter un sujet qui, plus que tout autre, valide l'hypothèse de l'"alternance sans alternative", argumente-t-elle.