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Faute de consensus européen, Paris lance une taxe nationale sur les géants du numérique

Xinhua | 07.03.2019 08h53

Le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui a échoué à trouver un accord à l'échelle européenne, a présenté mercredi lors du conseil des ministres la taxe nationale sur les géants du numérique.

Baptisée "taxe GAFA" (selon l'acronyme désignant Google, Apple, Facebook et Amazon), elle s'élève à 3% de leur chiffre d'affaires numérique réalisé en France, concerne une trentaine de groupes et vise à rapporter entre 400 et 500 millions d'euros par an à l'Etat français.

M. Le Maire a détaillé mercredi les modalités de cette taxe. Elle va s'appliquer de façon rétroactive à partir du 1er janvier 2019 dans l'Hexagone à une trentaine de groupes dont Microsoft, Uber et Airbnb, et sera débattue à partir d'avril au Parlement.

Ce nouvel impôt sur le chiffre d'affaires numérique réalisé par les géants de l'Internet a fait l'objet d'une polémique ces derniers mois dans l'Union européenne (UE), qui n'a pas réussi à s'accorder sur ce dossier.

L'investissement personnel de M. Le Maire n'a pas suffi à convaincre Berlin, même si l'Allemagne a infléchi sa position sur la question. Mais ce sont surtout le Danemark, la Finlande, l'Irlande et la Suède qui se sont opposés à cette taxe.

C'est une "première étape" dans la mise en œuvre d'"une fiscalité du XXIe siècle, sur laquelle tout le monde s'entend pour dire qu'il est temps d'agir", a déclaré mercredi le ministre de l'Economie lors d'une conférence de presse.

Selon lui, "c'est une question de justice pour nos concitoyens" mais aussi pour "nos entreprises". M. Le Maire avance régulièrement que les géants du numérique paient "14 points d'impôts de moins que les PME européennes".

"Que ces entreprises paient moins d'impôts en France qu'une très grosse boulangerie ou qu'un producteur de fromages du Quercy, cela pose un problème", écrit-il sur le site du gouvernement français.

Selon la Commission européenne, le taux d'imposition moyen des multinationales du numérique n'est que de 9% contre 23% pour les entreprises européennes en général.

Malgré les regrets qu'il a exprimés dans la matinée sur les ondes d'Europe 1 concernant l'absence de consensus européen, le ministre a "bon espoir qu'ensuite cela devienne une taxe internationale et que tous les pays développés se rallient à cette idée".

Cette taxe "a fait bouger les lignes, elle a ouvert une voie", a-t-il ajouté. "Cette taxation nationale a vocation à être remplacée le moment venu par une taxation internationale", qui "reste notre objectif", a-t-il indiqué.

Des négociations sont actuellement en cours au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en collaboration avec le G20 dans le but de trouver un accord d'ici 2020.

La taxe instaurée par Bercy va concerner les très grandes entreprises réalisant un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros au niveau mondial et de plus de 25 millions d'euros sur le sol français, indique le gouvernement français.

"Une entreprise qui met en vente sur son site Internet ses propres marchandises n'aura pas à s'en acquitter", précise M. Le Maire.

"Deux grands secteurs sont visés par la 'taxe GAFA'. D'une part, les plate-formes numériques, c'est-à-dire des entreprises qui touchent une commission pour mettre en relation des clients et des entreprises. D'autre part, la publicité en ligne, en particulier les activités de ciblage publicitaire et de revente de données personnelles à des fins publicitaires", explique le gouvernement.

Pour ne pas pénaliser les entreprises qui paient déjà leurs impôts en France sans recourir à l'optimisation fiscale, le montant de cette taxe sera "déductible du résultat comptable sur lequel est calculé l'impôt sur les sociétés", avait déjà précisé la ministre dans la presse.

Si elle ne fait pas l'unanimité au sein de l'UE, cette "taxe GAFA" a aussi essuyé des critiques de la part des entreprises concernées et d'une partie de la classe politique française.

Le ministre de l'Economie l'estime "simple et efficace", l'extrême gauche la qualifie de "pansement sur une jambe de bois".

"Bruno Le Maire s'attaque à ces mastodontes avec un pistolet à eau (...) On nous présente cela comme une grande victoire alors que cela rapportera sept fois moins que l'impôt de solidarité sur la fortune, supprimé l'an dernier", a notamment déclaré le communiste Ian Brossat dans le quotidien Libération.

A moins de trois mois des élections européennes, la dimension symbolique de cette "taxe GAFA" est indéniable. D'autres Etats européens comme l'Espagne, l'Autriche ou l'Italie ont d'ailleurs décidé de lancer leur propre taxe nationale.

Quant aux Etats-Unis, ils ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils étaient opposés à un tel impôt.

(Rédacteurs :实习生2, Yishuang Liu)
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