Dernière mise à jour à 08h41 le 23/04
Le projet du Japon de rejeter dans la mer plus d'un million de tonnes d'eau contaminée provenant de la centrale nucléaire de Fukushima a suscité une vive opposition non seulement au sein du public japonais, mais aussi dans les pays voisins et les organisations environnementales internationales.
Le gouvernement japonais tente de tromper l'opinion publique en affirmant que ces eaux usées seront traitées et diluées de manière à ce que leur niveau de radioactivité soit inférieur à celui qui est fixé pour l'eau potable.
Pour Shaun Burnie, un éminent spécialiste du nucléaire basé au Royaume-Uni et travaillant pour la branche d'Asie de l'Est de l'organisation environnementale Greenpeace, rejeter de l'eau contaminée dans l'océan est "inacceptable".
"L'idée qu'il puisse être sans danger de libérer ce genre de chose dans l'océan est clairement une imposture scientifique", a affirmé dans une récente interview M. Burnie.
"Concernant le tritium radioactif, le gouvernement japonais affirme qu'il n'y a aucun problème, qu'il ne pose aucune menace. Ce n'est en effet pas le radionucléide le plus dangereux dans l'eau. Mais une fraction de ce tritium radioactif peut se lier organiquement aux cellules humaines, végétales et animales, auquel cas il entraîne une exposition aux radiations, et peut causer des dommages cellulaires ou génétiques. Le gouvernement japonais n'est donc pas honnête sur ce qu'il y a dans cette eau, ni sur quels seront ses effets", a expliqué M. Burnie.
DES CONSEQUENCES POTENTIELLES POUR L'OCEAN
Greenpeace est préoccupée par les conséquences indirectes que le rejet de ces eaux usées pourrait avoir sur les milieux marins.
"Les différentes matières radioactives qui se retrouveront dans l'océan en cas de libération des eaux usées se comporteront différemment une fois dans le milieu marin. Certaines se concentreront dans les sédiments, d'autres dans les organismes vivants", a ainsi affirmé M. Burnie.
"La première préoccupation, c'est l'impact local sur les gens qui vivent le long de la côte pacifique du Japon, et plus particulièrement sur l'industrie de la pêche. Ils seront les plus directement touchés", a-t-il affirmé.
Si les eaux usées affectent la vie marine, cela ne constituera pas seulement un problème environnemental ou de santé publique, mais aussi un problème économique, car les marchés aux poissons iront se fournir ailleurs pour éviter de vendre des poissons qui pourraient être contaminés.
"Il y a à la fois la réalité de la contamination par les radiations, et la perception de celle-ci. C'est donc un problème très grave et très complexe. Mais tout cela peut être évité (...). Il n'est pas nécessaire de libérer ces eaux dans le milieu marin", a-t-il déclaré.
DES MESURES ALTERNATIVES
L'eau radioactive de Fukushima est actuellement traitée dans un processus de filtration complexe qui élimine la plupart des éléments radioactifs - mais certains éléments subsistent tout de même après ce processus, dont le tritium.
L'eau usée est ensuite conservée dans d'énormes réservoirs, mais l'opérateur de la centrale manque d'espace, et ces réservoirs devraient être pleins d'ici 2022.
Selon Greenpeace, il existe cependant une alternative au rejet des eaux usées dans l'océan. Le gouvernement japonais a d'ailleurs lui-même admis en 2020 que de l'espace de stockage était encore disponible à côté du site de Fukushima.
"L'échéance de 2022 est en réalité fausse. C'est une invention complète, mais elle est dans l'intérêt du gouvernement japonais de dire que nous devons prendre une décision et que nous devons libérer (cette eau) parce que nous manquons d'espace", a indiqué Greenpeace.
LE SOUTIEN DISCUTABLE DES ETATS-UNIS
Malgré les condamnations émanant des groupes de protection de l'environnement et des pays d'Asie de l'Est, les Etats-Unis ont soutenu la décision du Japon de rejeter de l'eau contaminée dans l'océan.
Ce soutien est lié aux relations entre les deux pays, mais aussi au fait que les entreprises nucléaires américaines ont des intérêts dans la situation, a déclaré M. Burnie.
Le problème des eaux usées radioactives au Japon remonte à 2011, lorsqu'un séisme de magnitude 9 a frappé la côte nord-est du Japon, déclenchant un tsunami de 15 m de haut.
Les systèmes de secours destinés à empêcher la fusion des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima ont survécu au tremblement de terre initial, mais le tsunami a causé des dommages supplémentaires, si bien que les systèmes de refroidissement de l'installation sont tombés en panne dans les jours qui ont suivi, libérant des tonnes de matières radioactives.