Dernière mise à jour à 10h51 le 14/06
Le président américain Joe Biden et son homologue russe Vladimir Poutine se rencontreront mercredi à Genève, en Suisse, mais leur réunion en personne ne devrait pas déclencher de résultats tangibles ni conduire à une détente significative dans leurs relations bilatérales tendues, selon des analystes.
Si le sommet qui se tiendra à la Villa La Grange offre une occasion de réduire les tensions, de trouver un terrain d'entente et de faciliter la coopération entre la Maison Blanche et le Kremlin, un véritable rapprochement ne se produira pas du jour au lendemain.
"Nous vivons aujourd'hui un niveau de polarisation sans précédent depuis la Guerre froide. Les relations entre la Russie et l'Occident ne cessent de se détériorer et les niveaux de confiance mutuelle sont au plus bas", a insisté récemment Thomas Greminger, directeur du Geneva Center for Security Policy (GCSP), lors d'un point de presse virtuel.
"Il est donc grand temps de reprendre le dialogue entre les deux dirigeants, compte tenu notamment de tous les défis mondiaux qui ne peuvent être relevés avec succès de manière unilatérale", a souligné M. Greminger, qui est ambassadeur de Suisse et a occupé de nombreux postes de direction au Département fédéral suisse des affaires étrangères. Il a récemment occupé le poste de Secrétaire général de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de 2017 à 2020.
"Je pense que ce sommet offre en effet l'occasion de reprendre un dialogue sobre", a-t-il ajouté.
Ce sera la première réunion en face à face des deux dirigeants depuis l'entrée en fonction de l'administration Biden le 20 janvier dernier.
"Lors du sommet bilatéral de juin, le président Joe Biden a l'occasion de poser des jalons sur des questions critiques avec son homologue russe", a écrit Mathieu Boulègue, chercheur au programme Russie et Eurasie au Chatham House, dans un article publié sur le site web du Center for European Policy Analysis (CEPA).
"Il y a peu d'espoir que le sommet aboutisse à des résultats tangibles. Avoir de faibles attentes et se préparer à être déçu est une bonne politique", a-t-il estimé.
Cette rencontre survient alors qu'en mars, les Etats-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions et restrictions contre des individus et des entités russes à la suite de l'empoisonnement présumé d'Alexeï Navalny, leader de l'opposition russe. Les actions des Etats-Unis contre la Russie comprennent également des restrictions à l'exportation et aux visas.
"Il est prématuré de s'attendre à une normalisation des relations. Je m'attendrais à la coexistence du dialogue et à une coopération sélective dans le contexte d'une confrontation continue", a ajouté M. Greminger.
Cette fois-ci, le sommet se déroule également au milieu de divisions et de désaccords aigus entre les deux pays sur l'ingérence électorale, les cyberattaques, les droits de l'homme et l'Ukraine.
Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou, professeur d'histoire et de politique internationales et président du département d'histoire et de politique internationales de l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, a estimé qu'il pourrait y avoir "une période de désescalade au cours de laquelle les deux parties réalisent leur inévitable et potentielle coopération sur certains de ces aspects. Mais nous devrions vraiment retenir notre souffle".
"Nous ne devons pas avoir d'attentes irréalistes ou trop élevées. Les deux parties arrivent à la table avec un sentiment de stase", a-t-il ajouté.
La partie américaine a précédemment déclaré que l'objectif était de restaurer "la prévisibilité et la stabilité" dans la relation bilatérale, tandis que la Russie a déclaré que les points sur la table incluraient probablement des relations bilatérales, des problèmes liés à la stabilité nucléaire stratégique, la coopération dans la lutte contre la COVID-19, et des conflits régionaux.
"Nous devons cependant gérer les attentes. L'environnement conflictuel se poursuivra. Le président Biden lui-même a été assez dur dans sa position sur la Russie et son président jusqu'à présent, et le président Poutine ne l'est pas moins", a souligné M. Greminger.
"Dans l'ensemble, il existe un certain nombre de domaines pour relancer les discussions", a-t-il déclaré, tout en indiquant : "Mais pour qu'un dialogue constructif s'établisse, il faut un environnement favorable".
Le lieu du rendez-vous du 16 juin, la Villa La Grange qui date du XVIIIe siècle, est un manoir au milieu d'un parc public avec une vue sur le lac Léman. Il a été fermé au public mardi dernier par les autorités suisses pendant dix jours.