Dernière mise à jour à 08h46 le 31/08
Après l'attentat-suicide qui a coûté la vie à quelque 170 Afghans et 13 soldats américains jeudi à l'aéroport de Kaboul, des survivants ont affirmé qu'un certain nombre d'Afghans avaient pu être tués non par l'explosion, mais par des tirs américains.
Allongé sur son lit d'hôpital, un blessé afghan qui n'a donné pour nom que "Kamyab" a raconté lundi à Xinhua son calvaire à l'aéroport international Hamid Karzaï. "L'explosion a été suivie par des coups de feu, et j'ai été blessé à la main par un tir à l'extérieur de l'aéroport", se souvient-il.
"A part les soldats américains, aucun autre homme armé ne se trouvait dans les parages au moment de la fusillade", affirme-t-il.
D'autres ont déclaré sous couvert d'anonymat que des balles de fabrication américaine avaient été extraites des corps de certains blessés.
Samedi, Secunder Kermani, un journaliste de la BBC, a publié une vidéo sur Twitter dans laquelle des civils afghans étaient interviewés à l'aéroport de Kaboul. "Beaucoup de ceux à qui nous avons parlé, y compris des témoins oculaires, ont déclaré qu'un nombre significatif de victimes avaient été tuées par les forces américaines au cours de la panique qui a suivi l'explosion", a déclaré M. Kermani.
Dans la même vidéo, le frère d'un chauffeur de taxi londonien du nom de Mohammed Niazi a déclaré que Mohammed Niazi se trouvait à l'aéroport avec sa femme et ses deux filles pour aider sa famille à quitter l'Afghanistan. Le couple a perdu la vie dans l'attaque, et leurs deux filles sont portées disparues.
"D'une manière ou d'une autre, j'ai vu un soldat américain, et à côté de lui il y avait des soldats turcs. Les tirs venaient des ponts et des tours (...)", a-t-il déclaré. "Des soldats ?" a demandé M. Kermani. "Oui, des soldats", a répondu le frère de M. Niazi.
Nouma Hamid est une autre des victimes de l'attaque. "Il a servi l'armée américaine pendant des années, et c'est la raison pour laquelle il a perdu la vie", a déclaré un de ses amis en montrant la carte d'identité de M. Hamid. "Il n'a pas été tué par les talibans, il n'a pas été tué par l'Etat islamique. C'est l'armée américaine qui a ouvert le feu", a-t-il ajouté.
M. Kermani a déclaré dans un autre tweet que le département américain de la Défense n'avait pas répondu aux questions de la BBC sur cette fusillade.
Une chaîne afghane en ligne appelée "Faisal of Kabul Lovers" a publié une vidéo, qui a été retweetée avec des sous-titres en anglais par Sangar Paykhar, qui anime le podcast The Afghan Eye samedi. Dans cette vidéo, un employé d'un hôpital de Kaboul affirme que de nombreuses victimes ont été touchées par des tirs plongeants. Les balles ont touché "les crânes, les cous et les poitrines", a-t-il indiqué, précisant qu'aucune n'avait été touchée en dessous de la poitrine.
"Toutes les victimes ont été tuées par des balles américaines, sauf peut-être 20 % d'entre elles. Les autres ont été touchées par l'explosion, elles ont été déchiquetées", a indiqué l'animateur du podcast.
Au moins 170 Afghans et 13 soldats américains ont été tués et environ 200 personnes blessées dans l'explosion qui a frappé jeudi la porte est de l'aéroport, où une foule immense attendait des vols d'évacuation pour quitter l'Afghanistan. L'Etat islamique au Khorasan (EI-K), une filiale locale de l'Etat islamique, a revendiqué la responsabilité de cet attentat à la bombe.
Le Pentagone a déclaré que des "hommes armés de l'Etat islamique" avaient ouvert le feu après l'explosion, et a qualifié l'attentat "d'attaque complexe". Le fait que le corps d'aucun combattant de l'EI-K n'ait été retrouvé sur place a cependant soulevé des interrogations sur cette version des faits, de même que la trajectoire suspecte des tirs ayant touché les civils.
Le président américain Joe Biden a juré de venger la mort des soldats américains. Les forces militaires américaines ont lancé vendredi des attaques de drones contre des suspects de l'EI-K dans la province de Nangarhar, dans l'est de l'Afghanistan, et dimanche dans un quartier situé à l'ouest de l'aéroport.
Les talibans ont déclaré que les frappes aériennes américaines avaient fait des victimes civiles, et enfreignaient l'accord de paix entre les taliban et les Etats-Unis signé à Doha l'année dernière.