Photo prise le 19 septembre 2014, montrant Tong Xianping tenant un morceau de météorite dans sa salle d'exposition à Urumqi, dans la lointaine région du Xinjiang, dans l’Ouest de la Chine. |
Des acquisitions extravagantes ont soulevé chez les collectionneurs chevronnés la crainte de contrefaçons.
Un petit chèque pour un homme d'affaires, un saut géant pour une météorite : après un voyage de millions de kilomètres, ces roches formées dans la soupe primordiale du système solaire ont débarqué sur les murs d'une salle d'exposition chinoise.
Pour une partie des Chinois riches, les tentations terrestres que sont les voitures rapides, les sacs de créateurs et les appartements de luxe sont sans valeur comparés à ces merveilles venues de l'espace extra-atmosphérique.
Tong Xianping est parmi les entrepreneurs chinois qui paient des prix astronomiques et imposent leur marque sur un des marchés plus mystérieux du monde.
Il a dépensé 1 million de Yuans (163 000 Dollars US) pour un gros morceau bourré de fer du Seymchan, dont des fragments ont été trouvés pour la première fois dans le lit d’une rivière russe en 1967 et sont censés avoir des milliards d'années.
« Il les vaut » dit M. Tong, 50 ans, admirant la masse de 176 kilogrammes, qui rappelle un énorme morceau de charbon. « Ce sont des nouvelles de l'espace ».
Aujourd’hui, M. Tong présente des dizaines de spécimens dans son espace d'exposition à Urumqi, capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
Parmi eux, une roche brune pleine de bosses qui faisait partie de Gibeon, une météorite qui s'est écrasée dans l’Afrique australe préhistorique. Elle lui a également coûté environ 1 million de Yuans, a-t-il ajouté.
D'un coffre-fort, il a retiré des chondrites carbonées qu'il a lui-même exhumées du sable – des fragments très anciens ressemblant à la nébuleuse qui a produit les planètes du système solaire.
« Ce sont des morceaux très complets, et durs à trouver », a-t-il précisé.
Ces achats pour le moins voyants ont fait des nouveaux riches chinois un sujet d'envie mais aussi de moquerie.
Les « fondateurs et patrons de société aiment les grandes météorites » dit M. Tong, qui a fait sa fortune dans le négoce du jade.
Tout près du coffre-fort, deux autres collectionneurs comme lui, sirotant un thé vert de prix.
« S'il y a de bonnes météorites, des rares, je suis prêt à mettre le paquet », a dit l’un d’eux, un cadre supérieur disant s’appeler Liu et dont l'entreprise a remporté des contrats de construction sur la première ligne du métro d'Urumqi.
Tong Xianping se dit heureux d’être qualifié de nouveau riche, bien qu'il ait abandonné les possessions terrestres : « On peut toujours fabriquer des voitures, mais chaque météorite est unique ».
La peur du faux
Les chercheurs étudient ces roches pour y chercher des indices des origines du système solaire, et certains pensent qu’elles ont fertilisé la terre avec les molécules organiques qui ont permis à la vie de naitre.
La passion de M. Tong pour la matière interplanétaire est facilitée par un marché global avec des racines qui vont jusque dans les déserts lointains et les régions polaires, où les corps extraterrestres qui sont tombés sont le plus facilement repérés.
Les plus beaux spécimens supérieurs valent des centaines de milliers de Dollars lors des ventes aux enchères, mais à la différence des paléontologues et des archéologues, qui se lamentent du pillage de leurs sites, les experts en la matière sont favorables à ce commerce.
« Nous avons des relations de coopération avec les collectionneurs » a dit Monica Grady, une scientifique émérite, spécialiste des météorites à l’Open University de Grande-Bretagne. « Nous ne pouvons pas nous permettre de nous promener et de les collecter, mais cette petite armée de revendeurs le fera, elle ».
Les découvreurs dépendent en effet des chercheurs pour accréditer les spécimens de sorte qu'ils aient une valeur sur le marché, alors qu'en même temps les scientifiques en gardent un morceau pour eux-mêmes, a-t-elle ajouté. Mais la vague d’acheteurs chinois a fait exploser les prix et renforcé les craintes des contrefaçons chez quelques collecteurs chevronnés.
« Ils sont simplement intéressés par la valeur de la chose, ils ne comprennent pas la science qui se trouve derrière elles », a dit Bryan Lee, un fonctionnaire chinois qui recherche des spécimens lors du plus grand salon commercial de la météorite du monde, dans la ville américaine de Tuscon, dans le désert de l'Arizona.
« Tout cela conduit à une augmentation du nombre de faux », a-t-il ajouté.