La réforme bancaire pousse à la roue
Un autre facteur de croissance des indices boursiers, c'est la réforme bancaire en cours en Chine, qui permet aux banques de réduire leurs réserves et qui donc libère des liquidités vers les marchés financiers. Un mouvement encouragé par la politique de la « nouvelle normalité » qui, comme le souligne Michael Liang de la Foundation Asset Management, a déjà conduit la Banque centrale de Chine à abaisser ses taux directeurs par deux fois cette année.
La confiance dans le gouvernement chinois joue un rôle significatif également. « Les marchés boursiers sont clairement convaincus que le gouvernement chinois va continuer à soutenir l'économie pour atteindre ses objectifs de croissance, et que si la croissance venait à ralentir, les taux directeurs seraient encore abaissés », écrivait ainsi Manishi Raychaudhuri, analyste boursier pour BNP Paribas dans une note citée par le quotidien financier Financial Times.
Bulle spéculative ? C'est bien sûr le cri d'alarme que poussent de nombreux analystes étrangers, comme à chaque fois qu'un marché nouveau se développe en Chine. Mais elle ne fait que commencer : la proportion de l'épargne placée sur les marchés reste faible par rapport aux pays industrialisés (elle a représenté moins de 15 % en 2014, contre près de 50 % aux États-Unis).
Le représentant en Chine de Bespoke Investment Group, une société américaine de gestion de fortune, en convient : « Pour être clair, c'est bien une bulle spéculative à laquelle nous assistons ici. Mais il reste des réserves considérables de liquidités qui vont la faire croître encore pendant quelques années. Une période où l'on peut se permettre de profiter un peu de la spéculation… »
Et les Chinois ne s'en privent pas. Dans un pays où les jeux de hasard sont interdits, la spéculation boursière fait monter l'adrénaline des jeunes urbains professionnels. Les uns en suivant les conseils de leur banquier, les autres en autodidactes. On trouve sur Internet des centaines de programmes de suivi et d'analyse des courbes, ainsi que des tutoriels en ligne qui se proposent de vous former à la spéculation. Les développeurs d'applications mobiles ne sont pas en reste, et on voit dans le métro les gens consulter en ligne la valeur de leur portefeuille d'actions.
Mme Wei, divorcée, deux enfants, a quitté son travail dans l'événementiel pour se consacrer entièrement à la spéculation boursière. J'ai du mal à suivre ses explications alors qu'elle essaie de m'exposer sa façon de procéder. « Il ne faut pas essayer de suivre les nouvelles en se disant que la bourse va réagir à la hausse ou à la baisse, me confie-t-elle. Le secret, c'est de suivre l'activité des entreprises et les annonces qu'elles font. Les entreprises les plus dynamiques, celles qui innovent, celles qui conquièrent de nouveaux marchés, sont celles dont les actions vont grimper. » Son portable ne cesse de clignoter et d'émettre des bips lorsque tel ou tel indice passe tel ou tel seuil prédéterminé. « Grâce à ma nouvelle activité, je peux travailler depuis chez moi. Plus de trajets domicile-travail, je gagne un temps fou… et plus d'argent qu'avant ! » s'exclame-t-elle, ravie.
Depuis le 11 novembre 2014, la bourse de Shanghai s'est ouverte aux investisseurs étrangers. Encore un signe d'ouverture de l'économie chinoise sur le reste du monde. Même si les banquiers étrangers restent sceptiques et ne prennent pied qu'avec prudence sur ce marché en pleine ébullition.
Selon les informations de China Daily, la fièvre acheteuse a excédé les capacités d'affichage du logiciel de la bourse de Shanghai le 20 avril, en dépassant 1 trillion de yuans (161,28 milliards USD) de titres échangés. Le marché a dû être suspendu pour permettre une actualisation du logiciel SHOW2003. « Un problème de configuration mais pas une panne technique », ont précisé les responsables de la bourse de Shanghai, ajoutant que les prix des actions et les indices n'avaient pas été affectés.
De nombreuses banques installent désormais dans leur devanture des graphiques et des courbes multicolores qui rendent compte du dynamisme de l'investissement populaire. On croirait voir des partitions musicales retracer la « valse des millions »...