En septembre 2013, Hu Yue utilise chez elle un doppler fœtal pour écouter battre le cœur de son bébé.
Donner la vie est pour chaque femme une expérience unique, qui répond tout de même à des codes sociaux établis au fil des âges. Décryptage de la maternité en Chine à travers le récit de deux nouvelles mamans, l'une Chinoise, l'autre Britannique.
ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction
La presse occidentale a parlé à loisir de ces cohortes de femmes chinoises partant accoucher aux États-Unis dans l'espoir que leur progéniture acquière la citoyenneté américaine. Ces « touristes de l'accouchement », principalement des nouveaux riches, auraient été au nombre de 20 000 l'an dernier. Un chiffre impressionnant, mais toujours est-il très faible en comparaison des 16 millions de nouvelles mères chaque année sur le territoire chinois. C'est elles auxquelles je souhaite m'intéresser aujourd'hui.
En 2013, ma collègue Hu Yue, 31 ans, voyant qu'elle était en retard dans son cycle menstruel, a réalisé un test de grossesse. Positif. Une prise de sang plus tard, elle était fixée : elle était bien enceinte de 6 semaines. Une bonne surprise, se souvient-elle : « Mon mari et moi, nous envisagions d'avoir enfant, mais peut-être un peu plus tard. »
Choyées avant même leur petit
Après avoir annoncé la bonne nouvelle à ses proches, Hu Yue a pu l'annoncer à son entreprise. Elle a réussi à négocier des congés d'un an pour se préparer à l'heureux événement. Elle n'a pas pu percevoir l'intégralité de son salaire sur toute cette période, mais au moins, elle a pu se reposer à la maison, chouchoutée par son mari. « C'est vraiment fatigant la grossesse », lâche-t-elle. Oui, certainement. Encore plus quand on sait qu'elle attendait en fait des jumeaux. Elle ajoute : « Je souhaitais avoir des enfants, deux de préférence, mais apprendre qu'ils allaient arriver au même moment fut une grande surprise ! J'étais néanmoins très entourée par ma famille. Mon mari, en tant que photographe, est régulièrement envoyé en mission aux quatre coins du pays d'ordinaire. Mais durant ma grossesse, il a eu l'opportunité de rester à Beijing auprès de moi. » Comme quoi, même l'entreprise privilégie le bonheur familial de ses employés à leurs objectifs de travail.
D'ailleurs, bien que la Chine soit un pays réputé travailleur, les femmes chinoises ont le droit à un long congé maternité de 98 jours (soit 24 semaines), contre 16 semaines en France. 15 jours supplémentaires peuvent être accordés dans le cas d'un accouchement difficile ou d'une grossesse multiple. En plus de ces « vacances », beaucoup d'entreprises accordent plus de temps libre à ces femmes en passe de fonder une famille : elles les autorisent par exemple à venir plus tard pour éviter les heures d'affluence dans le métro ou le bus, à partir plus tôt le soir pour aller réaliser des contrôles prénataux, et par la suite, à prendre quelques minutes sur leur temps de travail pour allaiter. À noter que l'allaitement exclusif pendant les premiers mois du nourrisson, recommandé par l'OMS, est une pratique particulièrement observée en Chine (à hauteur de 70 % pour les 4 premiers mois suivant des données de l'UNICEF).
Dès les années 50, Mao Zedong avait formulé la phrase désormais culte « Les femmes portent la moitié du ciel », soulignant l'importance accordée à la gent féminine. En période de grossesse, les femmes rappellent qu'elles seules sont capables de donner la vie et forcent naturellement le respect.
Du fait de la politique de planification familiale instaurée à la fin des années 70, l'enfant a pris une place considérable dans la société. Et par analogie, les futures mamans sont particulièrement révérées. Elles sont donc généralement très fières de leur statut et n'hésitent pas à le mettre en avant. Avant de se sentir « grosses », elles se sentent épanouies. D'ailleurs, dans la ville de Haikou sur l'île de Hainan, est régulièrement organisé un concours de beauté réservé aux femmes enceintes, dont le ventre devient un support pour œuvre d'art.