Les pourparlers sur le conflit au Soudan du Sud entre le pouvoir de Salva Kiir et son rival, l'ancien vice-président Riek Machar, Suspendus quelques jours, reprendront bientôt en vue de la signature d'un accord de paix, sans lequel la formation d'un gouvernement d'union nationale n'aura pas lieu, a déclaré à Xinhua le ministre sud-soudanais des Affaires étrangères Barnaba Marial Benjamin.
"Il ne peut pas y avoir un gouvernement d'union nationale sans accord de paix et sans un programme à mettre en oeuvre", a-t-il indiqué en marge du 23e sommet de l'Union africaine (UA), auquel le président sud-soudanais Salva Kiir a pris part jeudi et vendredi à Malabo en Guinée équatoriale à côté d'une quarantaine d'autres dirigeants africains.
Pour mettre un terme à cinq mois de conflit depuis le 15 décembre 2013, les deux parties ont signé un cessez-le-feu le 9 mai à Addis-Abeba en Ethiopie à la faveur d'une médiation conduite par l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), organisation régionale de l'Afrique orientale, au nom de l'UA.
Ce compromis politique signé par Salva Kiir en personne et son rival Riek Machar prévoit la formation d'un gouvernement d'union nationale avec la participation des représentants de la rébellion dans un délai de deux jours. C'est un processus fragile qui n'a pour autant pas fait baisser la tension, les autorités de Djouba accusant leurs adversaires de poursuivre les hostilités.
"Le gouvernement contrôle la situation. Nous respectons cessez- le-feu signé par le président Salva, mais les rebelles quant à eux attaquent les positions des forces gouvernementales. Ils ont essayé d'attaquer les forces gouvernementales il y a quelques jours dans l'Etat de l'Unité et ont été repoussés. Nous avons rapporté cette situation aux pays de l'IGAD", a rapporté le ministre sud-soudanais.
C'est l'une des situations de crise sur le continent ayant animé les discussions lors du sommet de Malabo.
"La situation nous interpelle, elle est grave. Malheureusement, les deux parties ont signé un accord de cessez-le-feu, mais comme vous le savez il n'a pas été respecté", a souligné à Xinhua le commissaire à la paix et la sécurité de l'UA, Smaïl Chergui.
Deux anciens compagnons d'armes lors de la longue guerre d'indépendance du Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS) contre Khartoum, Salva Kiir et Riek Machar se sont brouillés à cause des rivalités pour le contrôle du pouvoir qu'ils ont dirigé tous les deux en tant que têtes de l'exécutif d'un pays sans Premier ministre après les élections organisées après l'indépendance proclamée en 2011.
Limogé le 23 juillet 2013 après avoir annoncé son intention de briguer la présidence en 2015, l'ancien vice-président a déclenché une rébellion et lancé une offensive contre les forces gouvernementales quatre mois plus tard. Le conflit a causé des dizaines de milliers de morts et plus de 1,2 million de déplacés sur une population de 10,8 millions d'habitants, selon les estimations.
CESSEZ-LE-FEU SANS EFFET
Sous l'instigation de l'IGAD, un premier cessez-le-feu resté sans effet avait été conclu le 23 janvier dans la capitale éthiopienne. Selon Smaïl Chergui, cette organisation régionale appuyée par l'UA oeuvre pour "influer sur les deux parties, à la fois pour respecter l'accord mais également concrétiser le gouvernement d'union nationale dans les 60 jours comme ils se sont engagés à le faire la dernière fois à Addis-Abeba et déployer maintenant les trois bataillons de l'IGAD". Ces unités, explique le diplomate africain, sont destinées à rejoindre la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) "pour que réellement le processus de stabilisation mais aussi de suivi de l'accord de paix se déroule dans d'excellentes conditions. Cette force aussi nous permettra d'avoir davantage d'observateurs pour voir qui ne respecte pas l'accord de cessez-le-feu."
Il est surtout question aussi, précise-t-il en outre, de "mieux protéger les civils et d'ouvrir les corridors humanitaires pour leur apporter l'aide dont ils ont besoins".
A en croire le chef de la diplomatie sud-soudanais, le mécanisme de monitoring et de vérification du cessez-le-feu a commencé à se mettre en place à travers le déploiement sur le terrain des troupes éthiopiennes faisant partie des bataillons de l'IGAD.
"Ce sont les rebelles qui, insiste-t-il, violent le cessez-le- feu. J'espère qu'ils reviendront à la raison et que nous arrivons à conclure un accord de paix. Ainsi, un gouvernement d(union nationale et inclusif sera formé par le président Salva. Les négociations vont se poursuivre à Addis-Abeba. Elles ont été suspendues pour quelques jours, mais elles vont bientôt reprendre pour discuter du processus de transition".
Ces négociations pour l'heure concernent, de l'avis de Smaïl Chergui, non seulement la prise en charge de la situation humanitaire provoquée par le conflit mais aussi les raisons de l'action des rebelles pour lesquelles des réformes institutionnelles ont été recommandées par l'IGAD et l'UA à propos, entre autres préoccupations, de la Constitution, du secteur de la sécurité et de la structure gouvernementale.
Au bout du compte, c'est la réconciliation nationale qui est recherchée pour faire taire les rancoeurs. "Nous n'avons pas discuté de la composition du gouvernement d'union nationale et du nombre de postes à attribuer aux rebelles. Certains rebelles seront intégrés dans le gouvernement, mais nous devons d'abord conclure un accord de paix avant de former ce gouvernement", note le ministre.
A la question de savoir si Riek Machar reprendra le poste de vice-président, il répond : "Je ne pense pas. Il était vice- président auparavant et il n'a pas accepté cette position. Il cherche à devenir le numéro un. C'est ce qui lui a fait prendre les armes".
BAISSE DE PRODUCTION PETROLIERE
D'une superficie de 644.329 km2, le Soudan du Sud, un territoire riche en hydrocarbures à l'origine d'une autre crise toujours non réglée avec Khartoum, est un Etat fédéral de dix Etats fédérés répartis sur trois régions. Les affrontements entre les troupes gouvernementales et les hommes de Riek Machar en affectent trois : l'Etat de l'Unité, celui du Nil supérieur et celui de Jonglei.
Le pétrole est la source quasi-unique de revenus du pays. Avant le conflit, il produisait environ 250.000 barils par jour, après avoir constitué 85% de la production de 470.000 barils de l'ensemble du Soudan avant l'indépendance. A cause de la guerre, une baisse de 60.000 à 70.000 barils est annoncée, principalement dans l'Etat de l'Unité où les compagnies ont dû réduire leurs activités.
"Les rebelles ont tenté de détruire les infrastructures pétrolières. Bien sûr, elles ont été protégées par le gouvernement. Ils ont essayé d'interrompre la production pétrolière mais ils n'ont pas réussi. Les compagnies sont en train de revenir", informe le ministre des Affaires étrangères.
Dans l'Etat du Nil supérieur, la baisse de production est justifiée par les perturbations dans l' approvisionnement en équipements obligés de transiter par le Soudan dont les infrastructures permettent à Djouba son commercialiser son pétrole sur le marché international à partir du Port-Soudan sur les bords de la mer Rouge.
Entre les deux pays voisins, la frontière avait été fermée depuis de longs mois en raison notamment d'une dispute frontalière et d'un profond désaccord sur les droits de transit du pétrole sud- soudanais en territoire soudanais. "Nous sommes en discussions avec le Soudan pour la réouverture de la frontière. Une fois que celle-ci sera rouverte, la production pétrolière va remonter", avance le ministre.
Par Raphaël MVOGO