Au Congo, compte tenu de l'importance des décisions attendues, le discours de fin d'année prononcé le 31 décembre par le président de la République, attise les attentes cette fois-ci. Avec l'évolution récente sur la scène politique africaine, les impatiences sont bien visibles.
Quel sera l'avenir politique de l'actuel chef de l'Etat, Denis Sassou N'Guesso, après la fin de son dernier mandat à la tête de l'Etat, selon la Constitution, le 14 juillet 2016 ? La question attend sa réponse le 31 décembre, au regard du débat qui défraie la chronique sur le sort de la Constitution actuelle en vigueur depuis le 20 janvier 2002.
Selon ses dispositions, l'actuel chef d'Etat ne peut plus se présenter pour cause de limite d'âge (70 ans) et de nombre de mandats (deux au plus).
M. Sassou N'Guesso, considéré comme le principal artisan d'une nouvelle dynamique de paix et de développement dans le pays après une décennie de guerres, est ainsi appelé à passer la main à un autre candidat. Mais, une partie de Congolais veulent continuer à croire en lui.
Après deux années de mystère sur sa volonté de quitter ou de demeurer au pouvoir au moyen d'une réforme de la Constitution, l'opinion publique et la classe politique estiment le moment venu pour qu'il clarifie sa position.
Néanmoins, depuis plus d'une année, la polémique sur le changement de la Constitution divise les Congolais en deux groupes. Et, le débat a pris une plus grande ampleur suite aux récentes évolutions sur la scène continentale et internationale.
LE BURKINA FASO ET LA FRANCE
"Après Ouagadougou, après le sommet de l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie) de Dakar 2014, plus rien ne sera comme avant en Afrique en général, au Congo en particulier", estime Dzon Mathias, l'un des opposants les plus déterminés à l'idée de changement constitutionnel au Congo.
Selon cet ancien ministre de l'Economie et des Finances, la prise de position du président français François Hollande lors du sommet de l'OIF le 29 novembre à Dakar, pour exiger l'alternance politique aux dirigeants africains taxés de vouloir perdurer au pouvoir est claire. Elle donne raison d'espérer que l'ancienne métropole du Congo, la France, "ne ménagera pas ses efforts pour faire partir l'actuel chef de l'Etat du pouvoir", à la fin de son dernier mandat en 2016.
Par ailleurs, plusieurs voix, notamment dans l'opposition politique congolaise, espèrent que l'exemple du Burkina Faso, où un soulèvement populaire a mis fin à 27 ans de règne de Blaise Compaoré, serait suivi par des Congolais dans le même but.
Somme toute, ces deux faits de l'actualité semblent surtout avoir communiqué à une partie de Congolais une nouvelle énergie. Celle-ci semble ouvrir la voie à des initiatives pour barrer la voie à M. Sassou N'Guesso de changer la Constitution pour rester au pouvoir.
DEUX TENDANCES À COUTEAUX TIRÉS
Face aux ténors de l'opposition qui appellent au respect de la Constitution, "Touche pas ma Constitution !", les partisans de l'actuel chef de l'Etat estiment publiquement que le changement de la Constitution est devenu inéluctable. Il permettra, estiment-ils, d'adapter les lois aux besoins de l'évolution de la société congolaise.
Le ministre congolais des Postes et Télécommunications, responsable du marketing politique de l'actuel président à la présidentielle de 2009, Thierry Moungalla, pense qu'avec l'actuel Constitution, le pays "n'a pas les moyens de contrôler l'action des gouvernants, ni d'assurer un partage équitable du pouvoir".
"Il faut donner la possibilité aux élus du peuple de contrôler et de sanctionner l'action du gouvernement. Par ailleurs, donner aussi à l'exécutif la possibilité d'être bicéphale : le président fixe le cap, mais pour le règlement des problèmes quotidiens, il faut un Premier ministre qui soit soumis au contrôle du Parlement".
Soutenant lui aussi la cause d'une nouvelle loi fondamentale, le secrétaire général du Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir), Pierre Ngolo, pense que le changement ou non de la Constitution est un choix qui revient au peuple. Le PCT parle à mot voilés, de l'idée d'un référendum sur la question.
VELLÉITÉS DE VIOLENCES
L'opposition entre les partisans du maintien et ceux du départ de l'actuel chef de l'Etat du pouvoir semble prendre une allure débordante, plongeant ainsi la population dans l'incertitude et la crainte sur l'avenir du pays.
"Au moment où le Congo retrouve petit à petit un climat de paix et de stabilité propice à la consolidation de la démocratie, il n'est dans l'esprit de personne l'idée de recourir à la violence", estimait Pascal Tsaty Mabiala, chef du premier parti de l'opposition parlementaire, l'Union panafricaine pour la démocratie sociale.
Au cours d'une conférence presse animée le 11 décembre à Brazzaville, il exhortait les Congolais à "éloigner le spectre de la guerre civile de leur esprit".
Le 29 novembre le secrétaire général du PCT qui dirigeait les travaux de la fédération de son parti en France a été vivement agressé, à Paris, par un groupe de Congolais opposés au changement de la Constitution, avant que la police n'intervienne.
L'auteur du livre "Entre le bon sens et l'alternance absolue...", Innocent Péa, un proche de l'actuel chef de l'Etat congolais, avait lui aussi été agressé à Paris, alors qu'il donnait une conférence publique.
De l'autre côté, à Brazzaville, l'opposant Clément Miérassa et ses partisans avaient été arrêtés et séquestrés, début novembre, par la police venue interdire une manifestation publique.
Alors que du côté des voisins du Congo, en République démocratique du Congo, au Gabon, au Cameroun et au Tchad les dirigeants semblent préoccupés eux aussi par des débats similaires, on se demande que sera le puzzle politique dans ce pays de 4 millions d'habitants et dans cette Afrique centrale minée par le conflit en Centrafrique et la poussée terroriste de la secte Boko Haram.