Des réformes institutionnelles s'imposent au Mali et devront faire partie de la négociation pour le retour à la paix, estime le Pr Naffet Kéita dans une étude intitulée "Paix et stabilité politique en Afrique de l'Ouest : le cas du Mali".
Pour ce professeur à l'Université des lettres et des sciences humaines de Bamako, "quelle que soit l'option, la solution ne pourra concerner uniquement le nord du pays".
En effet, indique l'étude, il faut nécessairement "repenser l' ensemble des dispositifs constitutionnels, institutionnels et sécuritaires nationaux pour redistribuer aux populations les ressources et les responsabilités".
Ainsi, de l'avis du Pr. Kéita, "la démocratie constitutionnelle est à consolider" et "la représentation de certaines communautés et le découpage des collectivités doit être revue pour compenser son effet irradiant sur la négativité du processus de la décentralisation". Et cela d'autant plus que "le retard du gouvernement à transférer, à bon niveau, les ressources aux collectivités territoriales hypothèquent les performances de la démocratie et de la gouvernance locales".
L'étude fait aussi ressortir que le pari sécuritaire est loin d' être gagné dans le nord du pays.
"Le seul fait que des islamistes aient réussi à créer la psychose au sein des populations du nord à travers des tirs de roquettes, est un acte révélateur des failles du système sécuritaire mis en place dans cette zone", assure Pr Naffet Kéita.
L'universitaire pense surtout qu'il est plus que jamais temps de "définir clairement le statut de la ville de Kidal" (nord du Mali). Une "ville devenue, de fait, un Etat dans un Etat. Kidal ne doit plus rester en dehors de la république".
Cette définition est d'autant souhaitable que, précise-t-il, " les jihadistes, qui ont échoué dans leur projet d'administrer cette zone, voudraient bien la reconquérir pour en faire une sorte de califat afin d'y répandre leur idéologie et de mieux mener leurs activités illicites telles que le trafic de drogue, d'armes et bien sûr les rapts".
Et pour renforcer la sécurité dans cette zone voire dans toute la bande sahélo-saharienne, il faut promouvoir la coopération sécuritaire sur les plans local, régional, national et sous régional, en renforçant les aspects "veille et réactivité".
Pour le chercheur, en cas d'accord définitif de paix, "les chantiers qui attendent le gouvernement malien sont immenses", notamment, le retour de l'administration et des services sociaux de base, le rétablissement de la sécurité et le renforcement des liens sociaux, la réinvention d'une nouvelle stratégie de gouvernance.
Ces chantiers sont d'autant importants que le défi est immense car, souligne le chercheur, "les populations libérées du joug de l' occupation islamiste sont de plus en plus exigeantes dans la revendication de leur droit".
Sans compter que les partenaires techniques et financiers du Mali sont désormais beaucoup plus regardants sur la gestion de la manne financière mise à la disposition du pays.
L'étude du Pr Keïta a été réalisée avec le soutien du Centre pour la démocratie et le développement, basé au Nigéria.