Même si le marché parallèle des devises est officiellement interdit en Algérie, l'absence de bureaux de change agréés par l'Etat fait que ces transactions soient tolérées. Elles se pratiquent en pleines rues à Alger ou dans d'autres grandes villes du pays, surtout dans des boutiques spécialisées dans l'habillement ou l'électroménger.
Fait rarissime, les cambistes exerçant depuis des années au niveau du marché parallèle des devises du Square Port-Saïd à Alger ont été empêchés ces derniers jours par la police, et certains d'entre eux ont été embarqués.
Une opération à laquelle ni les citoyens lambda, ni les cambistes eux-même, ne s'attendaient.
Les cambistes, qui souhaitent sortir de la clandestinité, disent pourtant ne pas renoncer à cette activité qui est leur gagne-pain, à condition que des bureaux de change officiels ne soient créés.
LE MARCHE PARALLELE, SOURCE DE NUISANCE
Le maire d'Alger, Abdelhakim Bettache, a expliqué l'intervention policière par le fait que "ce marché noir posait un problème de sécurité". Six pétitions ont été déposées par des citoyens contre ces revendeurs informels de la devise, a fait savoir ce responsable cité par le site Internet, TSA.
Ce problème ayant été posé au sein de la commission sécuritaire de la daïra (sous-préfecture) de Sidi M' hamed, le service de la sûreté de la wilaya (préfecture) d'Alger a décidé d'intervenir contre ces revendeurs, a précisé M. Bettache.
Selon certains médias locaux, après avoir eu des renseignements sur la circulation d'importantes fausses coupures de billets d'euro sur le marché parallèle de la devise, les policiers ont voulu remonter le réseau afin de pouvoir le démanteler.
Outre le marché du Port-Saïd, il existe presque partout dans le pays des points où se vendent et s'achètent des devises.
D'après des experts, 90% de la devise provient des banques algériennes. Il s'agit des pensions en devise versées pour les retraités algériens ayant travaillé à l'étranger, notamment en France. Le reste proviendrait des immigrés qui rentrent au pays pour un séjour familial, ou des expatriés et touristes étrangers.
Cette devise est ensuite achetée soit par des Algériens qui veulent voyager, étudier ou se soigner à
l'étranger, étant donné que l'allocation voyage pour une personne est limitée à 130 euros (138 dollars) par an ; soit par des importateurs lorsqu'il s'agit de grosses sommes destinées à acheter de
l'immobilier ou à effectuer d'autres transactions à l'étranger.
UN MARCHE NOIR A UN JET DE PIERRE DES INSTITUTIONS OFFICIELLES
Après la descente policière, le Square Port-Saïd et les rues adjacentes ne connaissent pas le vacarme d'avant l'opération, et les cambistes clandestins n'agitent plus les liasses de dinars et autres monnaies occidentales comme ils le faisaient auparavant, a constaté un reporter de Xinhua sur les lieux.
Cependant, ils n'ont pas tout à fait disparu des lieux. De manière plutôt discrète, ils demandent aux passants curieux s'ils souhaiteraient acheter ou vendre de la devise. Interrogé sur le cours du jour, un cambiste a dit que les cours ont été un peu plus élevés que ce qu'ils étaient avant l'opération de la police.
En Algérie, un euro s'échange actuellement à 104 dinars (DZD) sur le marché officiel contre 159 sur le marché parallèle. Un dollar américain vaut 98 DZD, contre 148 au marché noir. Idem pour la livre sterling à 145 DZD au change officiel contre 212 sur le marché parallèle.
Le marché des devises de Port-Saïd, appelé communément "La Bourse d'Alger", est un marché toléré par les pouvoirs publics.
Preuve en est, il est situé à un jet de pierre du tribunal d'Alger et des deux chambres du Parlement, et les échanges se font au vu et au su des policiers, magistrats et députés.
Ce marché parallèle des devises, qui a élu domicile depuis des années à proximité des plus grandes institutions de l'Etat, fait dire à l'opinion publique qu'il bénéficie de la bénédiction de barrons qui ont pignon sur rue dans les affaires économiques et financières du pays.
D'ailleurs, l'ancien ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, avait lui déclaré en 2012, alors qu'il était à ce poste, que le marché noir des devises ne doit pas être interdit, ajoutant que les citoyens y "trouvent leur compte", ont rapporté des médias locaux.
UNE REMUNERATION TROP FAIBLE DECOURAGE LA CREATION DE BUREAUX DE CHANGE
Le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA) Mohamed Laksaci avait déclaré que les agréments pour créer des bureaux de change seraient lancés dès 2015, mais jusqu'ici, les bureaux de change n'ont toujours pas pu voir le jour en Algérie.
En réalité, "s'il n'y a pas une multitude de bureaux de change en Algérie, c'est parce que les gens ne veulent pas s'investir dans ce créneau en raison de la (faible) rémunération sur la fourchette entre le coût acheteur et le coût vendeur", avait expliqué l'ex-ministre des Finances, Karim Djoudi, actuellement Conseiller auprès du président Abdelaziz Bouteflika.
Quant aux bureaux de change, dont l'activité est régie par deux directives (08-96 et 13-79) de la Banque d'Algérie (BA), il est prévu qu'elles bénéficieront prochainement d'un "relèvement de la marge de rémunération (sur les commissions) estimée actuellement à 1%", a fait savoir le gouverneur de la BA.
A en croire des spécialistes, cette mesure devrait permettre de rendre cette activité "plus concurrentielle", face à la marge de rémunération au marché parallèle, qui est autour de 8%.